Algérie - France : Les contrats et l'amitié

Algérie - La coopération algéro–française résiste aux coups de boutoir des relations politiques, dont les hauts et les bas se succèdent depuis des lustres au point de donner le tournis aux observateurs les plus blasés.

Après la récente visite de Nicolas Sarkozy, bouillant ministre de l’Intérieur et candidat virtuel à l’élection présidentielle de 2007, voici que le ministre de l’Economie, des Finances et de l’Industrie, Thierry Breton, séjourne à Alger durant quarante-huit heures. Il présidera, avec son homologue algérien, Mourad Medelci, à la conclusion de deux contrats gaziers entre Sonatrach et le groupe Gaz de France (GDF) dont le paraphe aura lieu aujourd’hui même. Le premier contrat porte sur la vente de gaz naturel algérien à travers le gazoduc algéro-espagnol Medgaz, et le second, sur la réservation par Sonatrach d’une capacité de regazéification sur le terminal de Montoir (bassin parisien).

Cet accord va permettre à notre pays de se situer, d’ici à 2010, au deuxième rang des fournisseurs de l’Europe en gaz naturel, après la Norvège mais pratiquement à hauteur de la Russie, faisant accroître les capacités d’exportations de Sonatrach d’environ 40%. Plus important, la concrétisation de la volonté française de se hisser en matière d’investissements à la hauteur des potentialités que recèle le partenariat entre les deux pays va se traduire, durant cette visite, par la signature d’un «accord pour la promotion des investissements» et « l’institution d’une rencontre annuelle entre les ministres des Finances des deux pays».

Le fait est qu’un immense retard a été accumulé par le partenaire français dont les IDE en 2005 avoisinent avec beaucoup de peine les 200 millions de dollars, malgré un volume global des échanges qui marque une nette croissance et atteint plus de 8 milliards d’euros. Le souci de l’Algérie qui demeure le deuxième client, hors OCDE, de la France est de voir les entreprises françaises faire preuve d’un esprit plus offensif en matière d’investissements directs et se confronter de façon plus dynamique aux multiples concurrents qui ont investi un marché porteur et plus que prometteur. Précédant de peu Thierry Breton, le maire de Marseille, vice-président du Sénat, Jean-Claude Gaudin, n’a pas dit autre chose en plaidant, au nom de la délégation qui l’accompagnait et qui était forte de 300 chefs d’entreprise et responsables d’institutions socio-culturelles, pour une coopération multiforme entre sa région et la ville d’Alger.

De telles initiatives, en se succédant et en s’intensifiant, sont le meilleur gage d’un travail de construction graduelle et réaliste du traité d’amitié qui viendra, sans doute, en son temps, entre les deux peuples, à force de maturité, de confiance et de sérénité. Symbole de cette maturation qui est en œuvre et qui forcera, tôt ou tard, les résistances et les atermoiements de tous ceux qui sont hostiles aux retrouvailles entre Alger et Paris, la venue de Zinedine Zidane est riche de sens et de promesses. Sportif français qui a beaucoup donné à son pays, Zidane n’en oublie pas pour autant ses racines et, par-delà la dimension sportive de l’événement, apparaît la symbolique de ces hommes et femmes qui enrichissent l’histoire commune des «deux rives» de la Méditerranée, si chère à Jacques Berque.

Pas à pas, peu à peu, les retrouvailles s’effectuent, les efforts se concrétisent, malgré les aléas, malgré, répétons-le, les soubresauts et les états d’humeur intempestifs des instances diplomatiques qui jaugent et jugent à l’aune des statistiques les plus terre à terre, notamment en matière de visas, alors que les attentes et les aspirations sont autrement plus généreuses. Comme Apollinaire, souhaitons «que tombent ces vagues de briques», et que les unes aux autres cimentées, elles échafaudent un véritable tissu d’échanges et de commerce digne du caractère privilégié que les deux pays affirment vouloir accorder à leur partenariat. A l’instar de ce qui fut fait avec l’Allemagne, peut-être que c’est à partir de ce partenariat puissant et équilibré, mutuellement avantageux, que naîtront la paix des mémoires et la vraie réconciliation.

Par Azzedine Chabane - La Tribune, le 11 décembre 2006.

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