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Algérie : Le MSP râle, les ennuis de Soltani prennent un tour judiciaire

SoltaniAlgérie - «Nous avons des dossiers». C’est sans doute la phrase de trop que doit regretter aujourd’hui, le ministre d’Etat et chef du MSP Aboudjerra Soltani. Prononcée le 2 décembre dernier, lors d’une conférence de presse annonçant le lancement d’une campagne nommée «Corruption, Stop!», la déclaration l’a poursuivie depuis. Malgré une volte-face publique où il a déclaré ne pas «être un détective» mais un «politique», elle lui a valu une admonestation publique du président avec une quasi-invitation à la démission.

Les choses s’emballent désormais. Le parquet, dans le sillage du discours du président, a décidé de «s’autosaisir» de l’affaire. Aboudjerra Soltani va être entendu par la justice. Théoriquement, on se retrouve avec deux possibilités. La première est que les dossiers impliquant des personnalités et des hauts responsables dans des affaires de corruption existent vraiment et ils serviront à l’ouverture d’informations judiciaires. Cette hypothèse paraît déjà affaiblie par la quasi-rétractation d’Aboudjerra Soltani. Celui-ci avait, en effet, tenté de réduire l’impact de ses propos en déclarant qu’il avait parlé en homme politique et qu’il n’était pas un «détective». Si les dossiers n’existent pas -et c’est le plus probable- le ministre et président du MSP se retrouve, du point de vue du droit, dans la posture d’avoir émis des dénonciations calomnieuses.

Au plan politique, les choses ne sont pas meilleures. Aboudjerra Soltani est un ministre et il pouvait, en toute logique, mettre à contribution le gouvernement où il participe pour que les «dossiers» éventuels soient examinés par des procédures classiques. En sortant sur la place publique pour parler de la corruption en termes de «dossiers», il encourt, dans le meilleur des cas, l’accusation d’un manquement à la solidarité gouvernementale, voire à l’éthique élémentaire. Ces fameux «dossiers» auraient pu être remis au chef du gouvernement ou au ministre de la Justice et être dissociés du discours politique ou moralisant sur la lutte contre la corruption.

Indéniablement, Aboudjerra Soltani a été desservi par le fait que la presse n’a plus lâché prise en sollicitant des commentaires de politiques et de juristes qui sont allés dans une même direction: le ministre doit livrer ses dossiers et la justice doit être actionnée. Le chef du MSP a compris assez rapidement qu’il s’est mis dans un piège en faisant des déclarations qui jettent la suspicion sur tous sans désigner personne en particulier. Ses tentatives de ramener les choses à une dimension purement politique ont été vaines et elles viennent de recevoir le coup de grâce après la violente admonestation publique du chef de l’Etat. Mais l’affaire a une incidence lourde au sein du MSP lui-même. Dans une démarche de participation au gouvernement, le MSP a tenté le jeu impossible de paraître dans une forme d’opposition.

Cet entre-deux-chaises globalement toléré par le pouvoir devient impossible à tenir. Les déclarations qu’on peut qualifier de maladroites d’Aboudjerra Soltani ne le permettent plus. Les réactions qu’elles provoquent permettent même à ceux qui étaient réticents à la participation à «l’alliance présidentielle» de trouver des arguments supplémentaires. Mais la tendance «réaliste» qui voit dans la «participation» la seule opportunité politique offerte actuellement n’y sera pas favorable. L’esprit de corps fonctionne et le MSP va sans doute, dans l’immédiat, choisir de défendre son président face à l’adversité. Le ton est même à une forme d’offensive chez Abderezak Mokri, qui a qualifié d’inacceptables les accusations du président sur l’électoralisme qui serait derrière les propos de Soltani.

«Le président du MSP n’a fait que suivre l’exemple du président de la République qui a déclaré en 2000 que 15 personnes contrôlent le commerce extérieur», a-t-il déclaré. Voilà un argument qui ne risque pas d’améliorer la situation de Soltani. Il est vrai que Mokri fait partie de ceux qui sont plutôt hostiles à ce que le président du parti soit membre du gouvernement. Soltani démissionnera-t-il comme le conseillent certains responsables du MSP? La question est posée. Mais le comble dans cette «affaire» est que le président du MSP essuie les contrecoups d’un jeu politique réduit à sa plus simple expression, celui où les partis et leurs chefs sont réduits à des rôles «d’animateurs» d’un spectacle politique. Apparemment, Soltani en a trop fait.

Par M. Saâdoune - Quotidien d'Oran, le 12 décembre 2006.

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