Sarkozy, l'Europe et l'Algérie
Le président français apprend, au fil de ses premiers déplacements à l’étranger, que son modèle inquiète plus qu’il ne séduit.
Deux mois après son élection à la présidence de la France, Nicolas Sarkozy découvre que sa théorie économique, sa vision de la construction européenne et sa conception des relations internationales ne sont pas aussi partagées qu’il le croyait. Promettant aux Français, lors de sa campagne électorale, une réduction drastique du chômage, voire le plein emploi.
Un retour de son pays au leadership dans l’Union européenne et aux pays tiers, un partenariat équitable, dont celui d’une Union méditerranéenne, le président français apprend, au fil de ses premiers déplacements et contacts à l’étranger, que son modèle et ses propositions inquiètent plus qu’ils ne séduisent. Dans l’Union européenne, le président s’est fait remarquer par un «acte» jusque-là banni des usages diplomatiques -sauf en cas de situation exceptionnelle-, puisqu’il s’est invité à la Conférence ministérielle de l’Euro-groupe, tenue à Bruxelles, lundi dernier.
Les treize ministres des pays ayant adopté la monnaie euro, n’ont pas, contrairement aux apparences, du tout apprécié sa présence, et surtout sa façon de vouloir leur imposer une exception -encore une de plus- pour la France. Le Premier ministre luxembourgeois, Jean-Claude Juncker, président de l’Euro-groupe, lui a signifié l’obligation de respect les engagements des 13 pays, pris en avril 2007, pour ne pas excéder de 2,7% le déficit des finances publiques au 1er janvier 2009, même si devant les caméras, il a été «diplomate» en déclarant, en présence du président français: «Nous attendrons décembre 2008 et nous verrons, à ce moment-là.»
C’est que le président de l’Euro-groupe a répété son opposition, mercredi dernier, devant la plénière du Parlement européen, à l’aventurisme de Sarkozy: «Nous insistons sur notre exigence que la France, comme les autres Etats membres de la Zone euro, doit être au rendez-vous au 1er janvier 2008.» Et puis il y a l’Allemagne, le premier contributeur au budget de l’Union, dont le ministre des Finances, Peer Steinbrück, s’est attaqué vivement au président français, lundi soir à Bruxelles, lors de la réunion de l’Euro-groupe.
Il a dénoncé les 13 milliards d’euros de cadeaux fiscaux offerts aux patrons, riches propriétaires de biens immobiliers...et que l’Assemblée nationale française vient d’adopter en première lecture. Il a rappelé l’engagement pour un équilibre budgétaire des 13 pays pour fin 2008 et non 2012, comme le souhaite M.Sarkozy. L’exemple de l’Italie qui a hérité d’une gestion catastrophique des comptes publics du gouvernement de Silvio Berlusconi, et qui serre la ceinture avec le nouvel Exécutif de Romano Prodi pour être au rendez-vous, en décembre 2008, a été cité en exemple au président français. «Sinon, que feront les autres pays? Chacun fera à sa tête?» s’est interrogé son ministre des Finances, Tommasso Padoa.
Enfin, lorsque la présidence portugaise de l’Union estime, dans son mémorandum, que «2008 doit constituer le début d’un nouveau cycle pour la stratégie de Lisbonne», c’est-à-dire dans ce cas, moins de 3% de déficit public, il faut bien craindre pour le président français des désillusions au sein de l’UE, et pour le peuple français, un réveil difficile. Face aux partenaires de l’Europe, M.Sarkozy ne fait pas mieux. Sa visite éclair en Algérie et en Tunisie, mardi et mercredi derniers, en dehors de son aspect protocolaire, a plus posé des interrogations aux Européens comme aux pays du Sud méditerranéen, qu’enthousiasme.
Si le fameux projet d’Union méditerranéenne n’est pas nouveau et encore moins une idée de la France, la façon dont s’en accapare M.Sarkozy, et le verbe qu’il y met, prête à la confusion. Sur les deux principaux points de ce projet, que sont le problème migratoire et le partenariat économique, le président français semble ne pas tenir compte du travail -malgré les insuffisances- fait depuis 1995 (processus de Barcelone) entre l’UE et les pays sud-Méditerranée. Il donne l’impression de vouloir faire cavalier seul. La présidence portugaise de l’UE, vient d’insister pour «une approche globale de la migration, et pas seulement sur les migrations illégales.»
Elle rappelle que le traité de Prün, doit être versé dans l’acquis communautaire. Ce traité de droit international, adopté en mai 2005 par l’Union, exige, entre autres, une coopération plus étroite en matière de politique migratoire. Un certain nombre de droits (et obligations) des immigrés sont relevés, dont M.Sarkozy ne semble pas tenir compte (regroupement familial, conditions pour les visas touristiques...) Quant à la coopération avec les pays sud-méditerranéens, et pour ce qui concerne l’Algérie, elle se limiterait, selon lui, à la vente du gaz à l’Europe, côté algérien, et celle des biens de consommation, côté européen, pour ne pas dire français (l’Algérie étant déjà engagée avec les USA pour la coopération nucléaire). Bien réductrice, l’Union méditerranéenne, selon le président français.
Sur ces deux chapitres, l’Algérie comme l’UE, tentent depuis près de dix ans une approche plus équilibrée avec des objectifs à long terme. C’est de bonne guerre, diront les pragmatiques, quant à la vision d’une Union méditerranéenne du président français. Seulement, la coopération UE sud-méditerranée, ne peut se construire sur la seule proposition de la France. Il y a un passé coopératif, des engagements internationaux et des circonstances internationales pour ce début du XXIe siècle.
Une Union méditerranéenne se bâtit entre partenaires, en prenant en compte les exigences des uns et des autres. Elle ne peut être, par la nature des choses, imposée. Et puis il y a tout le reste. Dont le plus important: la paix en Méditerranée. Troublante, l’attitude du président français, que celle de ne «piper» mot sur la question palestinienne et la paix au Moyen-Orient. La Palestine, Israël, le Liban...sont des pays méditerranéens.
Un espace économique prospère, bénéfique pour tous, ne peut survivre à l’injustice, la guerre et le déni de droit en Palestine et au Liban. L’Europe le sait, les pays du sud de la Méditerranée le savent. Le président français aurait été plus juste et vrai, en tenant compte de ses partenaires européens et...en écoutant ceux du Sud. Les discours, l’effet médiatique et l’entêtement n’ont jamais construit des prospérités, et encore moins les grandes nations.
Synthèse de l'article - Equipe Algerie-Monde.com
D'après l'Expression, M'Hammedi Bouzina. Le 14 Juillet 2007.
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