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Algérie - Réconciliateurs et éradicateurs renvoyés dos à dos

Abdelaziz BouteflikaDans son message à la Nation qu’il a prononcé à partir de Batna après l’attentat de jeudi dernier, le président de la République s’est adressé à ceux dont les crimes profitent « à des intérêts étrangers » mais aussi « aux extrémistes de part et d’autre » et « aux laïques apostats ».

«Ces actes profitent à des intérêts étrangers, des capitales étrangères et des dirigeants étrangers. De tels actes constituent pour nous une violation de la souveraineté nationale », a affirmé le chef de l’Etat dans son message à la Nation qu’il a prononcé jeudi dernier à partir de Batna après l’attentat qui a fait 22 morts et plus de 100 blessés. Si dans les années 90, dans les pires moments de l’histoire de l’Algérie, les officiels notamment ceux issus de l’institution militaire, avaient prôné le discours de l’éradication pure et dure comme moyen de lutte contre le terrorisme, il leur arrivait aussi de laisser le doute « de la main étrangère » planer sur « les complots ourdis » contre « une Algérie qui combat ».

Après l’adoption de la politique de la « rahma », de la concorde civile et particulièrement aujourd’hui après la mise en oeuvre de la Charte pour la paix et la réconciliation nationale, les choses devaient en principe changer. Il n’est un secret pour personne d’admettre que le pouvoir réel identifié comme étant l’armée ou précisément son haut commandement, a fortement soutenu le chef de l’Etat dans sa promotion de la Charte pour la paix et la réconciliation nationale avec en prime l’organisation d’un référendum pour son adoption.

Et, pensent des analystes, c’était là le véritable deal entre des généraux sur lesquels les conséquences « morales » d’un terrorisme féroce et les effets d’un « qui tue qui » de plus de dix ans pesaient lourdement et un président qui, une fois aux commandes du pays, n’était pas prêt à s’en départir de sitôt. Résultat des courses : un deuxième mandat était vite acquis sur fond de signature d’un texte qui avait, aux yeux des responsables militaires, « le mérite » de clarifier ou plutôt de mettre un terme à une situation où se confondaient profondément et dangereusement les questions et les réponses à propos d’une crise qu’il est convenu de qualifier de « tragédie nationale ».

Sans oublier que les islamistes qui ont appelé à la violence s’en sont sortis à bon compte. Mais il est toujours dit que l’histoire se refait même quand on pense que ses pages sont tournées. Dans son intervention à partir de Batna, le chef de l’Etat n’a en fait, pas changé d’optique. L’on se souvient que dès son intronisation à la tête de la présidence de la République, il avait qualifié l’arrêt du processus électoral de 1991 de premier acte terroriste. Il avait en même temps justifié le recours des islamistes à la violence des armes en estimant que le pays vivait trop de problèmes et trop de hogra.

LES ERADICATEURS ONT CHANGE DE CAMP

Bouteflika avait cependant sous-entendu que les islamistes ont véritablement commis des crimes contre des innocents puisque dans sa « conception » de la charte pour la paix et la réconciliation nationale, il avait refusé d’accorder sa grâce « à ceux qui ont leurs mains tachées de sang ». Il fera quand même adopter une charte qui consacrera l’impunité à des criminels. Et par ce texte, il aura mis sur un pied d’égalité tout ceux qui ont, à son sens, participé de près ou de loin dans l’enlisement de l’Algérie dans une crise sans précédent.

De Batna, il semble ainsi avoir récidivé sans regrets. « Les extrémistes de part et d’autre et les laïques apostats, n’ont d’autre choix que celui de la réconciliation, de la fraternité et de l’unité des rangs pour l’intérêt du peuple algérien et pour l’Algérie », dira-t-il sans ambages lors de son passage à la télévision nationale. Le chef de l’Etat n’hésitera donc pas à (re) mettre dos à dos tout le monde. Sauf que pour cette fois-ci, par la force de la charte, les réconciliateurs ne seraient plus comptés comme ennemis « du pouvoir » y compris celui réel, et les éradicateurs auraient changé de camp et deviendraient forcément ceux qui l’ont rejetée. « Les extrémistes de part et d’autre » est une dénomination lourde de sens tout autant que « les laïques apostats ».

Lancées dans un contexte de grandes confusions, elles pourraient être interprétées comme étant la conclusion à laquelle est arrivé le président après qu’il aurait senti qu’il serait poussé à la porte de sortie. Comme s’il voulait faire allusion à des luttes de clans acharnées. C’est à ce moment que l’on pourrait se permettre de relever une fois de plus que l’histoire se refait.

Ces paroles de Bouteflika ont été en effet, prononcées alors que les conclaves seraient devenus légion à propos d’une relève pour remplacer un homme - lui - qu’on donne pour « obligatoirement » partant. C’est donc encore à un moment où le mandat présidentiel fait l’objet de supputations et de rumeurs que les choses semblent prendre des tournures inattendues. N’a-t-on pas toujours entendu dire qu’à chaque approche d’échéances importantes, les attentats terroristes reprennent ?

LES RUMEURS LES PLUS FOLLES...

Certes, le président a choisi de se montrer à l’écran en pleine activité mais cela ne suffit pas quand on sait qu’il reste à peine un an et demi pour passer à l’élection présidentielle. Les rumeurs les plus folles, faut-il le noter, ont coïncidé avec le décès du général major Smaïl Lamari, le numéro deux des services secrets. Il est évident que sa disparition voudrait dire son remplacement dans une conjoncture où les contours de pouvoirs sereins et stables sont difficiles à déterminer.

L’on entend susurrer depuis 1999, date de la première élection de Bouteflika à la présidence de la République, l’éventualité d’une réorganisation de l’ensemble des structures de sécurité interne et externe avec en face une « professionnalisation » de l’armée. L’idée - s’il l’a fait toujours sienne - de la révision de la Constitution ne doit pas être non plus du goût de certaines sphères du pouvoir. En alignant « intérêts étrangers », « capitales étrangères », « dirigeants étrangers » « extrémistes de part et d’autre » ainsi que « laïques apostats » dans une intervention qu’il a voulu être en même temps une condamnation, une dénonciation et une accusation des auteurs des actes terroristes, Bouteflika aurait en fin de compte fait le portrait de ce qu’on a tendance à qualifier de « mafia politico-financière ».

La jonction entre la politique et les intérêts financiers étant prouvée à travers le monde entier, il serait hypocrite de la nier quand il s’agit de décrire la nature des pouvoirs en Algérie et leurs liaisons avec des officines étrangères. Le président a probablement voulu planter le décor d’un régime dont les tenants des pouvoirs s’entremêleraient les intérêts au risque et sans peur de fortement les entrechoquer.

Synthèse de l'article - Equipe Algerie-Monde.com
D'après le Quotidien Oran, Ghania Oukazi. Le 9 septembre 2007.

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