Chine : Jeux olympiques stratégiques
La Chine a longuement et durement bataillé pour accueillir les Jeux olympiques cet été ; des milliers de Chinois ont même dansé dans les rues en apprenant que Pékin était élu. Ce devait être une chance pour les Chinois de montrer au monde à quel point leur peuple et leur pays ont progressé.
J'ignore s'il existe en mandarin une expression équivalente à « prenez garde à ce que vous souhaitez [car cela pourrait bien se réaliser] » ; si c'est le cas, elle tombe à propos. La Chine est sous le feu des projecteurs internationaux, pourtant, ce n'est pas le genre d'attention à laquelle elle s'attendait.
Elle fait l'objet d'un examen international dans tous les domaines, allant de sa politique sur le Tibet, les droits de l'homme et la sécurité de ses produits à la valeur de sa monnaie, sa politique au Soudan et au réchauffement climatique.
Ce qui devait être un moment de réjouissances est en train de tourner à la semonce.
En effet, il est probable que plusieurs grands dirigeants, notamment le Premier Ministre britannique Gordon Brown, la Chancelière allemande Angela Merkel et le Secrétaire Général des Nations Unies Ban Ki-Moon, n'assisteront pas aux cérémonies d'ouverture.
En outre, des politiciens américains de premier plan se sont prononcés en faveur du boycott ; tandis que d'autres chefs d'État, y compris le président français Nicolas Sarkozy, envisagent la possibilité de ne pas se déplacer.
Certes, la Chine mérite les critiques dans maints domaines de ses politiques nationale et internationale. Cependant, il serait malavisé de lui tourner le dos, compte tenu de ce qu'elle a accompli jusqu'ici et du fait qu'une telle attitude risquerait de provoquer l'inverse de ce que souhaitent ses détracteurs.
Remettons les choses à leur place. La Chine « moderne » n'existe que depuis une soixantaine d'années. Sa croissance économique a été et demeure particulièrement remarquable ; elle a vu des centaines de millions de Chinois sortir de la pauvreté. Il faut donc considérer la croissance économique du pays comme l'une des plus grandes avancées vers la réduction de la pauvreté.
La Chine n'est pas simplement plus riche : elle est aussi beaucoup plus ouverte au niveau politique qu'à ses heures maoïstes. Qui plus est, la société civile se consolide ; le pays compte en effet plus de 300 000 ONG. Selon les statistiques officielles, plus de 85 000 protestations publiques ont eu lieu en 2005 (et depuis, sûrement encore plus chaque année) pour des questions telles que la corruption, la santé publique, l'environnement et l'exploitation du territoire.
Même le récent tremblement de terre du Sichuan a témoigné des changements dans la politique chinoise ? les appareils photo ont été autorisés ; les responsables, vus et entendus.
D'autres signes ont révélé que la politique étrangère chinois évoluait. Le pays a joué un rôle utile dernièrement en encourageant la coopération nord-coréenne pour limiter sa capacité nucléaire.
Au Soudan, il a soutenu une résolution du Conseil de sécurité des Nations unies établissant une opération internationale et envoyé 315 soldats du génie chinois rallier la force ONU/Union africaine.
Rien de cela n'excuse ni ne justifie les défaillances nombreuses et réelles de l'attitude chinoise sur son territoire ou à l'étranger. Toutefois, la réalité n'est pas unidimensionnelle.
D'une manière générale, la Chine change pour le meilleur. Et il y a peu de chances pour qu'elle évolue dans le bon sens si on lui impose une politique d'isolement ou des sanctions.
Pour participer et devenir actrice à part entière du système international, elle devra être intégrée dans les institutions mondiales. Les Chinois ont besoin de comprendre quels sont les avantages de l'intégration et comment ils souffriraient de ne pas être l'un des pays qui modèlent et étayent les institutions internationales d'aujourd'hui.
Nous devrions faire de l'intégration chinoise un intérêt personnel. À l'ère de la mondialisation, les questions mondiales exigent des réponses mondiales, qui ne peuvent être apportées si un pays de la taille, de la population et de la richesse de la Chine y prend une part active. Freiner la prolifération nucléaire, promouvoir une utilisation plus efficiente de l'énergie, prendre des mesures contre le réchauffement planétaire et maintenir une économie mondiale ouverte, sont autant de missions qui appellent la participation, voire la coopération, de la Chine, si l'on ne veut pas tous subir la mondialisation de plein fouet.
Il serait judicieux de notre part de mettre un terme à ce qui n'a plus lieu d'être : un sommet annuel G-8 qui rassemble la plupart des grands dirigeants des pays industrialisés, mais exclut systématiquement la Chine (de même que l'Inde et le Brésil, d'ailleurs).
L'intégration n'aboutira que si la Chine et ses chefs de file y sont ouverts. Communisme et socialisme n'inspirent plus le soutien public comme avant ; pour autant, matérialisme et consumérisme ne peuvent se substituer aux libertés politiques et religieuses qui demeurent fort limitées ; et le nationalisme peut trop facilement remplir un vide.
Cette voie est dangereuse : l'histoire nous a montré que les dirigeants qui permettent ou stimulent un nationalisme excessif se laissent facilement piéger.
L'intégration permet non seulement de garder le nationalisme sous contrôle, mais aussi de renforcer la liberté politique religieuse pour laisser leur place à d'autres sources de légitimité et d'allégeance à la société chinoise, hormis celles des progrès économiques.
Les Chinois devront avancer dans ce sens par et pour eux-mêmes. Les personnes extérieures peuvent et doivent faire entendre leur avis, mais surtout en privé et sans dire ni faire quoi que ce soit qui risquerait de titiller le nationalisme même que nous voulons décourager.
Tout cela nous ramène à l'événement de cet été, à Pékin. La Chine doit faire preuve de respect à l'égard des droits de l'homme et laisser les journalistes faire leur travail.
Plutôt que de boycotter Pékin, les dirigeants mondiaux devraient se rallier aux Jeux olympiques et à ce qu'ils représentent. Certes, individus et pays s'affronteront, mais en pleine conformité avec un ensemble de règles. Et c'est exactement ce que nous attendons de la Chine au XXIe siècle.
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Traduit de l'anglais par Magali Adam-------------------------------------------
Synthèse de l'article - Equipe Algerie-Monde.com
D'après Le Quotidien d'Oran- par Richard N. Haass. Le 7 août 2008.
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