Algerie - De la proposition d'aide US à l'appel de l'«émir»
Le terrorisme s'acharne de plus en plus contre les régions de Kabylie, et pousse les commanditaires «repentis» à le condamner et les Etats-Unis à renouveler leur proposition d'aide aux autorités algériennes, pour peu, disent-ils, qu'elle leur soit exprimée.
Les Etats-Unis l'ont en effet fait en réaction à l'attentat perpétré mardi dernier dans les Issers, dans la wilaya de Boumerdès.
Ils reconnaissent la dimension internationale du phénomène et proposent aux autorités algériennes d'aider à le combattre. Le porte-parole du département d'Etat a déclaré hier dans ce sens que « nous ferons de notre mieux pour soutenir le gouvernement algérien dans la lutte contre ce fléau ».
Robert Wood a souligné qu'il ne savait pas si l'Algérie avait demandé quoi que se soit aux Américains en matière d'aide mais, a-t-il dit, « s'il y a quelque chose que nous pouvons faire, un soutien que nous pouvons apporter, nous allons certainement le considérer ».
Interrogé sur l'existence ou non d'une quelconque demande algérienne à cet effet, le porte-parole du département d'Etat affirmera que « je ne suis pas au courant si cela a été fait de leur part ».
A la question de savoir s'il y a des indices qui prouvent que les attentats en Kabylie sont commis par Al-Qaïda, Robert Wood répond: « Il revient aux Algériens de mener les investigations qu'il faut sur place pour le savoir. Mais je dis que si nous pouvons les aider et les encourager dans ce sens, nous sommes prêts à le faire ».
La proposition d'aide américaine semble être insistante.
Mais il est curieux que le porte-parole du département d'Etat ne soit pas au courant si les autorités algériennes l'ont acceptée ou pas. L'on ne saura d'ailleurs pas plus. Ce qui est évident, c'est que les Etats-Unis ont troqué l'indifférence qu'ils avaient affichée tout au long de la décennie où l'Algérie a été ensanglantée, pour se dire aujourd'hui prêts et disponibles pour lui accorder toute sorte d'aide, à la seule condition qu'elle la leur précise.
L'on rappelle que Robert Ford, alors ambassadeur à Alger, avait toujours affirmé que les Etats-Unis et l'Algérie coopèrent excellemment bien dans le domaine sécuritaire. Il est souvent question d'échanges de renseignements et d'informations sur les groupes terroristes agissants ou sur les réseaux dormants. Rien n'a cependant jamais filtré sur ce qui est de l'armement spécifique à la lutte antiterroriste.
De «daoulet ellil» aux Issers
Notons que dans les années 90, les Américains avaient estimé que l'Algérie n'avait besoin d'aucune aide matérielle pour combattre le terrorisme. Elle n'avait même pas eu droit à une aide morale, ne serait-ce que de la compassion.
Si ce récent regain de violence a fait réagir beaucoup de pays étrangers, il reste qu'au plan interne, les deux violents attentats qui ont secoué les régions de Kabylie en l'espace de 24 heures laissent planer des doutes quant à l'efficacité de la stratégie sécuritaire suivie pour éradiquer le fléau.
Les explications des responsables politiques de cette recrudescence frôleraient le ridicule, dans la mesure où celle-ci est à chaque fois liée à des soubresauts de groupes poussés dans leurs derniers retranchements.
L'on se demande ce que faisaient les terroristes durant les années 90, quand ils s'érigeaient en « daoulet ellil » (l'Etat de nuit) pour contrôler pratiquement l'ensemble du pays, ou ce qu'ils visaient quand ils dressaient des faux barrages, ou alors quand ils ont décidé tout simplement de prendre les armes pour mettre au pas gouvernants et gouvernés.
Ils tuaient avec le même acharnement. De « daoulet ellil » aux Issers, rien n'a changé: les corps sont déchiquetés, les blessés handicapés à vie et les édifices détruits. Le constat est le même : le terrorisme persiste, même si l'intensité de ses actes a notablement diminué. L'attentat des Issers, qui a fait 43 morts et 45 blessés, n'a rien d'un dernier coup de semonce que les groupes armés veulent administrer aux populations pour démontrer leur incapacité à régner.
Le ministre de l'Intérieur a tort de vouloir à chaque fois prouver que l'Etat a considérablement affaibli les forces de frappe des terroristes. C'est peut-être vrai mais quand il y a mort d'homme, il est interdit de la justifier par des considérations qu'il est très difficile de vérifier et qui, de surcroît, n'empêchent pas le crime terroriste de sévir. L'attentat des Issers a fait réagir un terroriste qui dit conseiller à ses acolytes de l'imiter en déposant les armes.
L'appel de «l'émir» sans guillemets
Celui que les médias lourds ont auréolé mardi de titre d'«émir» sans y mettre les guillemets, affirme avoir déposé les armes en 2003 et avoir bénéficié des dispositions de la Charte pour la paix et la réconciliation nationale en 2007. Il reconnaît donc qu'il a tué mais qu'il a changé d'avis parce qu'il dit avoir compris que l'action armée ne mène à rien.
Il vient ainsi prouver que la charte a bien profité à des tueurs qui ont «leurs mains salies de sang».
Encore une indécence de la part des cercles officiels pour avoir mis en avant un appel au repentir d'un terroriste qui a commis des massacres, mais que l'Etat a décidé de blanchir en l'exemptant de rendre compte à la justice et de demander pardon à la Nation.
L'on se demande que vaut un tel appel devant l'atrocité de l'acte.
Les stratèges en matière de lutte antiterroriste ne devraient pas s'attarder sur des absurdités de ce genre mais essayer de comprendre pourquoi la Kabylie est aujourd'hui régulièrement en proie à des attentats terroristes.
Le ministre de l'Intérieur l'explique par le fait que c'est une conséquence des événements qui l'ont secouée au début des années 2000. Le retrait forcé des forces de la gendarmerie aurait ainsi permis de libérer le mouvement des groupes terroristes, qui auraient donc eu toute latitude de se déplacer, de choisir des lieux sûrs et de s'y établir.
Si c'est le cas, il est donc plus facile aux services de sécurité de les situer et d'en mesurer les capacités d'intervention. Mais il semble que la situation est bien plus compliquée.
Ce qui semble évident, c'est que les terroristes ont, eux, changé de stratégie, sont redéployés autrement et visent d'autres objectifs que ceux qu'ils s'étaient fixés durant les années 90.
Ils ont sans nul doute établi une jonction entre des intérêts nationaux et d'autres internationaux, ce qui facilite leur approvisionnement en moyens de destruction terroriste et les intègrent dans des réseaux aux forces de frappe pour l'instant infaillibles.
L'on se doit pourtant d'admettre qu'il y a quand même quelque chose de changé.
Les kamikazes sont généralement jeunes, n'ont pour ainsi dire pas connu les meneurs du mouvement islamiste radical qui ont marqué les esprits de la dernière décennie. Ils ne peuvent donc s'être imprégnés de leurs discours ou de leurs slogans. Ils doivent ainsi agir avec de nouveaux moyens, selon d'autres références, d'autres idéaux, d'autres intérêts et d'autres commanditaires, le tout forcément en réseau.
Synthèse de l'article - Equipe Algerie-Monde.com
D'après Le Quotidien d'Oran. Par Ghania Oukazi . Le 21 août 2008.
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