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Algerie - «Nouveaux moudjahidine et socialisme libéral»

travail 1ère Partie

Si avec M. Weber on peut dire que la question politique par excellence est celle de la domination, et qu'avec Marx elle était celle de l'exploitation, nous serons tentés de la définir, pour notre part et quant à notre contexte, de société émergente, comme étant celle de la production d'une division sociale du travail performante et acceptable qui permette à la société de se penser (elle et son activité) dans le monde, de se donner le monde et de donner au monde une société souveraine.

Une telle définition s'inscrit sans difficultés dans celle plus générale que l'on retrouve dans les nombreux débats à l'échelle internationale et qui consiste en la construction d'une formation sociale et économique durable.

Pour entrer directement dans le vif du sujet, on rappellera que les sociétés européennes (japonaise aussi) qui ont conquis le monde, sont très particulières et qu'elles se sont construites sur des divisions fondamentales du travail qui ne sont pas universelles.

Ces sociétés se sont tout d'abord définies comme des sociétés guerrières, une classe se spécialisant dans la guerre (G. Duby), avant de se définir comme des sociétés marchandes, libérales ou non. Alors que d'autres sociétés, comme la nôtre, continuaient de s'organiser autour d'une division sexuelle du travail.

Les sociétés peu différenciées ont fini par être dominées par les sociétés guerrières et marchandes, celles-ci s'appuyant sur une expansion et une rationalisation toujours plus poussée de l'activité sociale (M. Weber) grâce à leur division sociale du travail.

Il y a là une première bifurcation historique dont on ne peut faire l'économie et devant laquelle on semble être toujours aussi peu résolu, après que le socialisme ait échoué à nous conforter dans une direction. Si la division sexuelle semble, aujourd'hui, s'être estompée, c'est parce qu'elle est considérablement brouillée. Il reste qu'aucune autre n'est venue s'y substituer.

Pas de traces chez nous de ces familles bourgeoises ou aristocratiques qui ont porté cette division sociale de classes et qui constituent l'identité profonde des sociétés européennes.

Quoiqu'il en soit, et même si cette différence de structure n'est pas la seule cause explicative de la différence de puissance entre nations, nous pouvons affirmer que, pour prendre sa place dans le monde, notre société devra monter une structure sociale efficiente.

La question donc reste posée, la survie de nos sociétés qui n'ont jamais supporté une division de classes dépend-elle d'une transformation de classes à l'image des sociétés européennes ou du développement d'une formule propre ? Et l'on ne pourra pas, indéfiniment, sauter au-dessus de cette question fondamentale comme on l'a fait continuellement depuis que le socialisme-étatisme s'est avéré une fausse réponse.

La société algérienne n'est donc pas une société de classes, le progrès ne s'est pas appuyé sur la division fondamentale du travail entre guerriers et paysans, puis celle du capital et du travail (K. Marx).

Elle n'a pas séparé la force du travail, le guerrier du paysan, la pensée de l'action, le travail direct du travail indirect, le travail matériel du travail immatériel, bref elle n'a pas porté l'activité sociale au point de séparer les différentes hiérarchies sociales, les différents capitaux (P. Bourdieu) qui sont à l'origine de la rationalisation continue de l'activité sociale qui a permis aux sociétés guerrières, puis marchandes, de gagner le monde.

Le marxisme a confondu l'histoire de l'Europe avec celle du monde, il a identifié marché et capitalisme (tout comme le libéralisme) (F. Braudel), il a associé division sociale du travail et extorsion de surplus, exploitation, il a identifié marché et anarchie.

Il a fait croire ensuite que la suppression des classes consistait en un progrès (que l'appropriation privée entravait la production sociale) et que, par le socialisme, les sociétés sans classes (retardataires) pouvaient rattraper les sociétés avancées (de classes) en faisant l'économie d'une transition par la société de classes.

Ce qui explique que le socialisme ait été adopté non par les formations « victimes » de la contradiction fondamentale capital-travail mais par des formations immatures de ce point de vue pour retomber, finalement, dans des sortes de monarchies informelles qui ont revêtu les oripeaux de l'étatisme.

Il a confondu hiérarchie de classe et hiérarchie tout court. Et tout compte fait, il a confondu étatisme et socialisme. Notre étatisme a participé dans les faits à une certaine « structuration » de la société : une société indifférenciée, dominée par un individualisme négatif à un pôle et un Etat policier à un autre.

Ce qu'il faut penser autrement ce sont les notions d'exploitation et d'égalité. L'exploitation d'une classe par une autre peut être progrès pour le monde, la société ou une autre classe.

Ce sont les problèmes de la partie dans un tout ouvert, de l'histoire comme contingence, comme ruse. On peut même affirmer qu'une différenciation de la société qui ne serait pas progrès ne pourrait prétendre à la durée.

Et puis, toute division du travail n'est pas toujours ressentie de manière négative par la partie la moins favorisée. Des sociétés supportent, acceptent, sinon adhèrent à une certaine division sociale du travail pourvu que celle-ci donne à leur société une certaine place dans le monde.

Il en fut ainsi de la « société fordiste » qui, en visant à donner à chaque travailleur une automobile, s'est donnée le moyen de conquérir le monde et ses consommateurs. On ne peut donc séparer la lutte des individus de la lutte des sociétés, celle-ci s'inscrivant dans celle-là ou la télescopant, la parasitant. L'individu appartient à une société et la société au monde.

On pourra parler d'exploitation chaque fois que la société devra accepter une division du travail à laquelle elle n'a pas consenti, chaque fois que le progrès ne servira pas la partie la plus défavorisée de la société (on peut se référer ici à John Rawls : Théorie de la justice).

Voilà pourquoi nous avons parlé de division du travail acceptable. Et voilà pourquoi il faut cesser d'opposer socialisme et libéralisme comme l'ont fait les Occidentaux dans le cadre de leur histoire. Nous opposerons plutôt libéralisme à capitalisme à la suite de Braudel et Polanyi, dans le sens où l'un renvoie à la compétition et le second au monopole.

La philosophie libérale est à la base de la représentation de la société comme construction. Le socialisme a été la critique de cette construction comme construction de classe. Il nous faut reconstruire nos rapports à ces deux sources d'inspiration contemporaine.

La première difficulté, à laquelle nous nous heurtons pour construire une division du travail performante et acceptable, réside ainsi dans le rapport de notre société à la division du travail : la rationalisation de l'activité sociale bute sur les dispositions et les possibilités de la société à s'organiser en société cohérente du point de vue du travail.

Aussi, jusqu'à présent, les milieux sociaux et naturels n'ont pas supporté une division sociale du travail développée.

Très sommairement, on peut dire que par son long passé, notre société s'apparente aux sociétés qui se sont construites autour d'une division fondamentale du travail particulière, celle sexuelle et qui se sont arc-boutées comme contre l'émergence d'une division de classes (ou de l'Etat : Pierre Clastres).

Par son passé colonial, elle s'apparente à une société qui a été cantonnée quant à la division internationale du travail, avant de refuser de se replier face à la division que visait à lui imposer l'exploitation coloniale. Par son passé récent, à une société qui n'a pas pu se donner par le socialisme-étatisme et sa stratégie de développement la division sociale qui lui aurait permis d'entrer dans le monde. A suivre

Synthèse de l'article - Equipe Algerie-Monde.com

D'apres Le Quotidien d'Oran. Par Derguini Arezki. Le 2 Septembre 2008.

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