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Algerie - «Nouveaux moudjahidine et socialisme libéral»

social Suite et fin A cette première difficulté inscrite dans une histoire plus ou moins longue , s'ajoute une seconde difficulté plus récente : la rente pétrolière sépare la construction de la société de son environnement, de l'Etat et de la division sociale du travail.

Avec la rente pétrolière, la société ne tire plus ses ressources de son environnement naturel, ce qui la pousse à ne pas se préoccuper de sa reproduction, de sa valorisation ou de la qualité de vie s'y rattachant.

Ensuite, en autonomisant les ressources publiques, elle libère la construction étatique de la construction de la société qui se trouve alors pilotée par des mécanismes obscurs.

Enfin, last but not least, elle déconnecte la construction de la société de la division du travail, elle déstructure la société. La durabilité de la formation sociale et économique est donc doublement interpellée d'un point de vue interne et externe.

Ces trois disjonctions figurent ce qu'il est convenu d'appeler la « malédiction du pétrole ». Il faudrait ici faire la différence entre disjonctions subies et disjonctions construites et s'appuyer sur elle pour retourner la malédiction en bénédiction.

Il faut rechercher une certaine unité entre ces quatre éléments qu'on n'entrevoit pas encore et il se trouve que le surplus pétrolier est seul en mesure de financer la mise en chantier d'une construction durable de ces rapports entre société, division du travail, environnement naturel et Etat.

Mais ce n'est pas ici le sujet du présent papier. En simplifiant donc toujours beaucoup, un second type de difficultés réside dans le fait que la source des richesses ne se trouve pas dans le travail, ce qui implique que la division du travail ne peut être la cause efficiente, comme elle l'a été pour les formations dominantes, de la structuration sociale et de la multiplication des richesses.

La troisième difficulté s'explique par l'ordre du monde, les compétitions qui le dominent. L'environnement international, dans sa dynamique de reproduction, résisterait aux remises en cause, à l'émergence de nouvelles sociétés souveraines, de nouvelles structures sociales concurrentes.

Cette exigence de reproduction se traduirait dans les formations dominées par la volonté persistante des formations dominantes à vouloir s'y donner les partenaires qu'elles souhaitent. L'histoire du colonialisme peut être résumée comme l'opposition d'une société de classes et d'une autre dite de sexes.

Et par conséquent, elle opposera des guerriers, des militaires professionnels à des « moudjahidine ». L'histoire de la lutte d'indépendance peut s'interpréter comme le premier moment d'un processus de structuration de la société, une lutte d'édification, de construction d'une structure sociale en mesure de donner à l'individu une place dans le monde.

La professionnalisation des moudjahidine, de l'activité militaire, n'a pas été accompagnée par une division sociale cohérente et consentie du travail.

Autrement dit, la formation d'une hiérarchie militaire n'a pas été conduite et ne s'est pas poursuivie de sorte à être accompagnée de la formation des autres hiérarchies sociales (du savoir et de l'argent en particulier) nécessaires à la durabilité de la formation sociale et économique.

Comme dit précédemment, nous avons aujourd'hui des problèmes pour monter une société performante qui puisse être à la hauteur des anciennes sociétés dominantes. Nous n'avons pas encore trouvé notre formule, nos modes d'accumulation et d'investissement.

Notre inquiétude de pouvoir être colonisés à nouveau témoigne de l'inachèvement de notre transition, de notre construction sociale et nourrit le monopole de la hiérarchie militaire sur la direction de l'activité sociale.

Si nous ne sommes plus colonisés, nous n'avons pas cessé d'être colonisables pour parler comme Malek Bennabi. Ce pourquoi nous nous fermons au monde plus que nous nous ouvrons à lui. Pourtant, il devient urgent de comprendre que l'étatisme ne protège plus du monde.

Il n'en donne qu'une illusion temporaire. Nous aurions tort de croire que l'emprunt d'une structure sociale à l'image de celle européenne pourrait être la solution, ce serait une erreur que de rester en stand-by devant le choix de classes en attendant que la société s'y rende.

Il faut faire confiance à la dynamique sociale, un temps de recherche devant lui être concédé et ne pouvant lui être épargné. La société ne peut être construite autour de deux classes, choix pour lequel la société européenne a opté avant même d'opter pour la société industrielle (les hiérarchies militaires de classe ont précédé celles de l'argent).

Aussi est-il très peu vraisemblable que nous puissions accéder à la souveraineté sur la base d'une telle division, j'inclinerai plutôt à penser, comme l'ont fait les partisans du socialisme face aux grands propriétaires, que cela nous reconduirait à un état antérieur de la vie matérielle. Celle autour des sexes, ne pouvant quant à elle promouvoir la rationalisation de l'activité sociale.

Il faudrait s'interroger sur la possibilité de séparer l'accumulation du travail de la formation des classes que l'on ne peut tolérer, de telle sorte qu'une division du travail efficiente puisse être possible et de manière durable. Les nouveaux moudjahidine doivent désormais émerger des champs du savoir et de l'entreprise novatrice, après que les anciens se soient repliés sur l'Etat.

Il faudrait s'intéresser aux rapports, aux conditions d'ouverture et de fermeture des sociétés et de leurs hiérarchies sociales, à leur unité. Ensuite, il faudrait reprendre les processus historiques des formations sociales algériennes écrasés par le système de colonisation qui, tout en les insérant dans le monde, les a déclenchés et en a enseveli le cours. Ensuite s'interroger sur les dimensions spatio-temporelles dans lesquelles ils pourraient faire sens et cohérence.

Comme nous l'avons déjà soutenu, le cadre national est incapable de nous donner à penser le projet de la construction de notre identité. L'industrie nationale ne constitue plus le cadre de construction de l'intérêt général et donc le cadre dans lequel on peut envisager la société comme construction sociale et souveraine. L'Europe, qui en a fait son instrument de construction nationale, y a renoncé sous l'effet de la concurrence mondiale, faut-il être plus royaliste que le roi ?

Ce dernier point méritant de plus amples développements que nous ne pouvons le faire ici, nous nous contenterons de supposer que la construction nationale sert davantage une certaine construction étatique que les formations sociales autochtones et leur transformation.

Si l'on peut se résumer, on dira qu'en même temps que se cherche une nouvelle division du travail, l'ancienne devient largement insupportable pour l'élément féminin. Telle peut être décrite la situation actuelle : la société est à l'arrêt devant deux directions qu'elle refuse de prendre : ni celle de l'ancienne division sexuelle, ni celle d'une nouvelle de classes dont elle a eu un avant-goût avec le colonialisme qui n'a pas réussi à l'imposer.

Ces trois «causes», qui se mêlent dans les faits, se confortent mutuellement et font que tout compte fait, on peut affirmer que nous vendons notre pétrole pour nous protéger du monde, que pour la même raison nos centres de décision se sont installés dans la clandestinité et que finalement cela a pour résultat des performances qui ne peuvent être à la hauteur des espérances de la jeunesse et de ses moudjahidine, pour rester fidèles à une certaine division.

Suite à un tel diagnostic, comment peut-on envisager l'avenir ? Tout d'abord, concernant la division sociale du travail, on aura compris que l'on ne pouvait envisager de constructions sociales, sortir de l'anomie sans s'appuyer sur une division sociale du travail. Emerge ici la question sous-jacente et taboue de l'étatisme : celle des hiérarchies sociales et qui lie, pour l'heure, l'avenir de notre société à l'une d'entre elles.

Ensuite, comme le montre l'histoire de notre pays, la société n'adhérera pas à n'importe quelle division du travail, de même que toutes les hiérarchies ne peuvent être légitimes. Enfin, on peut affirmer aujourd'hui que le cadre d'une telle division du travail doit être repensé car il ne peut plus être donné en la figure de l'industrie nationale. Pour nous en convaincre, méditons l'exemple européen et regardons ce que nous proposent les experts en la matière.

Construire les trois disjonctions plutôt que les subir, suppose que l'on fasse au travail une autre place pour éviter l'effondrement de la société dont la consommation ne fait qu'accroître le désordre. Car la rente séparant la construction de la société de celle de l'Etat, elle exogénéise l'Etat et la loi, atomise la société, produit l'individualisme négatif, en faisant dominer la compétition interne sur celle externe.

Séparant aussi la construction de la société de la construction de son environnement immédiat, elle programme, par conséquent, l'effondrement de la société. Enfin, en même temps que la société améliore sa connaissance d'elle-même et du monde grâce à la nouvelle place du travail, à mesure qu'elle aura investi le monde et consolidé sa structure, peut-être le monde s'en trouvera-t-il changé et aura-t-il appris à faire place à une nouvelle société émergente. On ne peut sous-estimer aujourd'hui par ailleurs le besoin du monde à un partage plus large de ses responsabilités, à une participation plus active des populations dans la gestion de leurs territoires.

Synthèse de l'article - Equipe Algerie-Monde.com

D'apres Le Quotidien d'Oran. Par Derguini Arezki . Le 3 Septembre 2008.

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