Algérie - Réseaux contre le réseau
On a eu Hadj Bettou, on a eu Khalifa, on risque d'avoir Orascom. Depuis peu, l'Algérie officielle et, pire encore, celle de la rumeur, désigne le groupe « égyptien » comme une sorte de bête noire, accusé d'avoir mis du sucre dans de l'eau pour le vendre sous forme de limonade avec le logo du ciment.
Et, comme de tradition, c'est un seul qui paye pour le crime de beaucoup.
Pourquoi ? Parce qu'on doit donner l'exemple, et parce que, selon le proverbe, beaucoup d'égorgeurs imposent la mathématique d'un seul boeuf.
Aujourd'hui donc, le groupe est presque « Khalifacisé » par tous : on l'accuse de ce que certains autres font depuis des années : faire des affaires, ne faire que des affaires et ne pas faire du nationalisme économique d'autant plus que c'est le boulot des habitants locaux et pas des étrangers.
Brusquement lancé dans une nouvelle croisade de nationalisme économique, l'Etat revoit ses poches, ses réserves foncières, les virgules des impôts et le reste. En réaction, les ciblés se font discrets, se disent prêts à payer et ne disent rien ou multiplient les statistiques dans les journaux pour faire passer le message de leur honnêteté.
Le plus ridicule dans l'affaire c'est de voir, non pas l'Etat reprendre les commandes, mais de voir la meute se bousculer pour mordre la bête tombée. Des années après l'hymne à l'investisseur, nouveau ancien moudjahid sauveur du pays, on découvre par exemple que Orascom n'a pas réalisé de « transfert de technologie » et on invite son nouveau P-DG à insister sur ce volet.
Un jour, la meute découvrira, par exemple, que les Chinois n'ont formé que des agents de sécurité et des chauffeurs et que les Indous n'ont transféré que la rouille en exportant l'acier massivement. Cela ne se fera pas aujourd'hui mais le jour ou la Présidence le remarquera.
Ce jour-là, on oubliera, comme pour Khalifa, les billets gratuits, les dîners mondains, les voyages initiatiques dans le monde de la luxure et les pages de publicité pour ne retenir que le crime d'Etat d'avoir vendu une cimenterie dans le dos d'un Etat qui, de toute façon, tourne le dos à tous et y compris à lui-même. Une dernière question : l'Algérie tire-t-elle leçon de l'égorgement cyclique d'une brebis noire ?
Jamais. Après Bettou, Khalifa ou après la prochaine chèvre, on continuera à fonctionner sur le même rythme d'un pays à poches percées, avec des ministres vendables contre un billet d'avion, des usines cédées sans détails publics, des lois fabriquées pour encourager certaines filouteries sophistiquées et des crises de nationalisme qui se réveillent tard dans les après-midi de la mondialisation.
Orascom paye aujourd'hui son audace d'avoir été un groupe intelligent assis près d'un Etat d'idiots très idiots mais tellement méchants quand ils se réveillent.
Synthèse de l'article - Equipe Algerie-Monde.com
D'apres Le Quotidien d'oran. Par Kamel Daoud. Le 10 Septembre 2008.
Actualité en Algérie
Toute l'actualite du moment
Forum Algérie Monde - Debats et discussions sur l'Algérie et sur le Monde.