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Algérie - Tlemcen : La zalabia de Sordo, la chamia de David et le medfaâ de Lalla Setti 2

Tlemcen Suite et fin Après l’indépendance, le café de l’Espérance accueillait Nekkach Nedroumi avec son fameux guénibri, celui du marché Mellouk, l’hôtel El-Moghreb cheikh Benzerga, le café Kazi de Tafrata cheikh Brixi avec Benkbil.

D’Oudjda (Maroc) étaient conviés les chouyoukh tels Salah, Moulay El-Habib, Bouchnak... C’étaient les lieux de (pré)dilection des vieux après les taraouih.

On n’évoquera jamais assez les «qaâdate» conviviales et les «mamawil» mélodieux au luth avec l’inénarrable boute-en-train Hadj Baba Ould Fréha de Triq Ettout.

Une communion entre le spirituel et le temporel, une cohabitation du sacré avec le profane... D’Alger, se déplaçaient à cette occasion la troupe théâtrale de Bechtarzi ainsi que Serri pour des spectacles au cinéma Colisée ou au Lux (ex-Mondial).

Que ce soit au cinéma Le Colisée, Lux ou Rex, c’est le même décor magique et envoûtant qui était offert quotidiennement. Par ailleurs, le premier jeûne d’un enfant, une sorte de baptême de carême, donnait lieu à un cérémonial particulier : tenue traditionnelle: «qachabia et araqia» pour le garçon et «caftan chedda» pour la fille.

Et les voilà partis pour une longue tournée chez les voisins et auprès de la famille (proches parents) qui ne se montraient pas avares en congratulations, baisers et autres récompenses (argent) en pareilles circonstances.

A cette occasion, le studio Meghelli de la rue Clauzel ou celui de Jouve (Zmirli) de la place des Victoires étaient des passages obligés pour immortaliser ce baptême de jeûne. En ce mois de piété et de compassion, la solidarité n’était pas un vain mot. Et pour cause.

Dar Sidi-Belhacène El-Ghomari, qui abritait le fabuleux «qaout el-qouloub» (resto du coeur), constituait sans conteste le centre caritatif névralgique de la capitale des Zianides. Tous les dons des bienfaiteurs, en l’occurrence les repas, étaient dirigés vers la rue des Sept Arcades.

De là, des bénévoles les distribuaient à domicile aux familles indigentes dans une discrétion totale et un respect de la dignité, éthique philanthropique oblige, selon M. Baghli Mohamed, chercheur en legs immatériel. Après l’indépendance, cet hospice a abrité un restaurant (cuisine) destiné au «a’bir çabil» (voyageur de passage à Tlemcen), géré par des volontaires du CRA sous la houlette de l’infatigable Si Merzouk.

Même les pauvres «bougres» comme Hamou, Salamane, Nori d’El-Eubbad, Salah «Laqat Soualah», Tchao étaient pris en charge durant ce mois en recevant des offrandes. Même le médecin français d’origine grecque Foutiadis, dont le cabinet trône à hauteur de Bab El-Djiad, soignait gratuitement les démunis pendant ce mois de jeûne.

Il y avait une sorte de solidarité collective qui n’était pas un vain mot et n’avait pas besoin d’être «institutionnalisée» pour venir à bout de la précarité qui était la particularité des citoyens d’alors.

Les fellahs d’El-Ourit, Ouzidane, Aïn El-Houtz, Sidi Daoudi participaient eux aussi à cette «touiza» alimentaire spécial Ramadhan en offrant généreusement mais discrètement des légumes ou des fruits aux pauvres.

Les commerçants de Bab Sidi Boumediène, El-Mawkaf ou El-Medress baissaient les prix des produits alimentaires ou vendaient au prix d’achat, faisaient crédit à leurs clients nécessiteux ou épongeaient carrément leurs dettes à cette occasion. Un élan de solidarité sans pareil.

Une véritable communion dans la charité. Le Ramadhan était ponctué par deux «nefqas» (aumône), celle dite nefqat «Ennass», intervenant le quatorzième jour (moitié) du mois sacré, et celle du vingt-septième jour, coïncidant avec Leilat el-Qadr».

La première, correspondant à peu près à la fête patronale waâda, était marquée par des aumônes, les distributions de viande et de semoule aux pauvres. Une «sadaqa» en fait en l’honneur des morts récents de la maison, se traduisant par ailleurs par des visites au cimetière Sidi Senoussi.

Sur le plan culinaire (gastronomique), le repas de l’iftar était marqué par un menu spécial dit «hlou» (ragoût aux coings, marrons, prunes ou raisins secs).

La seconde fête était célébrée dans la piété et le recueillement.

En dehors des aumônes et des sacrifices ordinaires, les Tlemcéniens faisaient cette nuit-là brûler dans les maisons des parfums de sept espèces différentes, dits les «sbâa bkhour» (les sept parfums), contenus dans de petits cornets de papier, achetés au Mawkaf (la place de la Sikak) ou à la rue Khaldoune, chez les apothicaires (herboristes) nommés Nedjar, Baba Ahmed, Dekkak, Sekkat...

C’était la pâture (jawi) donnée aux génies malfaisants, les djenoun, appelés par euphémisme «el-moumnine» (les croyants) et «mosslimine» (les musulmans) ou «hadouq eness» (ces gens-là), affamés depuis un mois qu’ils étaient enchaînés par les anges et enfin rendus à la liberté, pour qu’ils ne fassent aucun mal aux gens de la maison.

Les plus superstitieux attendaient candidement que le ciel s’ouvre cette nuit-là, dans l’espoir de «découvrir» leur destin. Les zaouïas n’étaient pas en reste. En effet, les Habriya de Sid El-Djebbar, El-Alaouiya de Hart R’ma (rue des Forgerons), Derkaouiya (cheikh Ben Yellès) de Arss Didou, Qadiriya de derb Sebbanine, Mamcha de derb Sidi Amrane faisaient «salle» comble, affichant complet cette nuit-là, où on achevait la récitation du Coran, c’est-à-dire «Khetm el-Qor’ane» du dhor jusqu’au sobh, soit en 24 heures.

Cette fête «Nefqat sebaâ wa ouchrine» était, par ailleurs, propice à la circoncision des enfants. Destination : le salon de coiffure de Charif, le fameux barbier de la rue de Mascara (El-Qissariya), en face de derb Messoufa.

L’acte chirurgical de notre «hadjam» (scarificateur) s’accompagnait invariablement du rituel (simulacre) de l’«oiseau» fictif : «Hawa zawech !», désignait-il d’un geste théâtral un point au plafond.

Un dérivatif ou plutôt une diversion toujours efficace, puisque la circoncision s’opérait comme par enchantement, en un clin d’oeil. Charif fera un émule en la personne de Mahmoud Soulimane qui exerça au niveau d’El-Mawqaf.

A cette occasion, la fête se faisait parfois en musique. Le soir ou le lendemain, les femmes amies de la maison venaient à leur tour voir le nouveau circoncis (el-mtahhar) et chacune lui remettait quelques pièces de monnaie destinées à la mère.

On entendait de la musique, on dansait ou on regardait danser et la fête se terminait par des youyous stridents et des voeux genre «o’qba larassiya» (meilleurs voeux pour ses «futures» noces).

La traditionnelle séance de henné faisait partie des préparatifs de la cérémonie : les pieds de l’enfant étaient badigeonnés de henné et la paume des mains frappée du «douro» symbolique contre le mauvais oeil.

La dernière semaine du Ramadhan était consacrée, tradition oblige, à la préparation des gâteaux. On s’entraidait entre voisines ou entre parentes. Chacune mettait la main à la pâte, c’est le cas de le dire.

C’était le credo de la twiza. Les «qobbas» se transformaient pour la circonstance en fournil. L’odeur de cuisson des maqrout, griwech et samsa s’exhalaient des maisons, envahissant les derbs, embaumant les moindres recoins du quartier.

Quant aux qa’âk et ghroubiya, ils étaient portés sur des plateaux empruntés au ferrane du coin (ou sur des planchettes) au four banal du quartier dont le préposé prélevait tacitement à la fin de chaque cuisson une quote-part, pour vraisemblablement apprécier le goût des gâteaux et, par ricochet, le savoir-faire de chaque famille.

N’oublions pas que le «terrah» était l’alter ego de la «tayaba» (préposée au bain maure) en matière de recommandations matrimoniales. Le parfum des gâteaux et les effluves de la cuisson rivalisaient avec l’odeur alléchante de la chorba. La meïda (table basse) commençait alors à montrer des signes de «carence», se dégarnissant de jour en jour, perdant son lustre initial des trois premières semaines.

En bon astre, respectueux de l’alternance calendaire, le Ramadhan s’apprêtait alors à plier bagage pour céder augustement la place à son pendant festif, l’Aïd Sghir, qui aura lieu cette année le 1er Chawel 1429, correspondant au jeudi 2 octobre (le 1er jour du Ramadhan ayant été fixé le 2 septembre), selon le calendrier des correspondances «Mirath» (lunaire hégirien/solaire grégorien/solaire traditionnel), établi par le professeur Si Mohammed Baghli, chercheur en legs universel... Sahha Ramdankoum !

Synthèse de l'article - Equipe Algerie-Monde.com

D'apres Le Quotidien d'Oran. Par Bekkaï Allal. Le 22 Septembre 2008.

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