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Algérie - «Le recyclage des repentis n'a pas été une opération réussie»

repenti La réconciliation nationale a besoin d’un second souffle et les insuffisances de la Charte pour la paix et la réconciliation nationale ont été soulevées et portées à l’attention du président Bouteflika dans un récent rapport, affirme Me Farouk Ksentini. Pour le président de la Commission nationale de protection et de promotion des droits de l’homme (CNPPDH), peu a été véritablement fait pour les repentis.

Et si la situation perdure, dit-il, ceux qui sont encore aux maquis pourraient ne plus en descendre.

Pour Me Farouk Ksentini, qui a bien voulu nous accorder cet entretien, il y a lieu de s’inquiéter du mécontentement des repentis. Leur recyclage n’a pas été une opération totalement réussie et il aurait fallu que cette question soit traitée avec un peu plus de droiture, soutient-il.

Le Jeune Indépendant : Trois ans après l’adoption de la charte pour la paix et la réconciliation nationale, quel bilan en faites-vous ?

Me Farouk Ksentini : Dans l’ensemble, la réconciliation nationale, qui était une opération extrêmement lourde et compliquée, a atteint ses objectifs. Le premier de ces objectifs consiste en le retour de la paix civile, bien que de temps à autre, certains tentent encore de remettre en cause tout le processus.

Les Algériens dans leur ensemble sont tous partisans de la paix et la soutiennent. Cependant, elle s’est heurtée, notamment, au problème de la bureaucratie. Ainsi, pour que la réconciliation nationale soit totale et complète, il faut, à mon avis, lui donner un second souffle.

Comment le faire ?

Il faut prendre de nouvelles dispositions de façon à en finir définitivement avec cette question. La lutte contre le terrorisme ne pose nullement problème. Ce qui pose problème, c’est l’application des textes. J’ai eu la possibilité de recevoir dernièrement le représentant d’un millier de repentis qui m’a exposé plusieurs de leurs préoccupations. Il affirme que ses compagnons sont descendus des maquis et ont rendu les armes sans qu’ils aient eu en contrepartie ce qu’ils attendaient de l’Etat.

Ils restent toujours marginalisés : pas d’intégration dans le monde du travail, pas de salaire, pas de logement… Ce même représentant estime que le fait que leur situation soit ainsi n’encourage nullement les autres qui sont aux maquis à rendre les armes. S’ils étaient mieux traités, ils auraient eux-mêmes pris l’initiative d’encourager leurs accompagnons d’armes d’hier à rendre les armes. C’est là où, à mon avis, la situation a été mal maîtrisée.

Quelles mesures proposez-vous ?

Il faut prendre en charge les repentis au lieu de faire dans la charité en leur distribuant des millions. Il faut leur donner du travail. C’est un problème complexe qu’il faut suivre attentivement et sérieusement. Le recyclage des repentis n’a pas été une opération totalement réussie. Eux-mêmes se plaignent de leur situation actuelle. Un homme sans travail, c’est quelqu’un de fragilisé qui peut toujours revenir sur sa première décision. C’est l’aspect délicat de toute la réconciliation nationale.

Il y a également les indemnisations qui n’ont pas été faites de manière convenable. Les personnes indemnisables ont fait face à des obstacles bureaucratiques, ce qui les a privés de leurs droits ou les a découragés. Et ceux qui sont arrivés à arracher leurs droits, consacrés par la charte, n’y sont parvenus qu’après des efforts considérables. Aussi, estiment-ils qu’il faut simplifier les démarches et mettre fin à la bureaucratie pour être efficace et donner un sens à la réconciliation nationale. Il faut en finir définitivement avec cette question.

Le problème se situerait-il donc dans l’application des dispositions de cette charte ?

Oui, le problème est dans son application, pas dans le texte en lui-même. Peut-être avons-nous besoin d’un texte supplémentaire pour remédier à certaines lacunes. Mais le problème n’est pas lié seulement aux textes. Il s’agit de la pratique réelle de ces textes. Je ne peux pas responsabiliser quiconque pour une telle situation. Il ne faut pas perdre de vue que pour la question de l’indemnisation, beaucoup de personnes se perdent dans un processus inextricable, infini. Sans jeter de pierre à personne, il aurait fallu que cette question soit traitée avec un peu plus de droiture. Une droiture plus que nécessaire pour tourner définitivement la page.

Avez-vous soulevé ces insuffisances dans votre récent rapport adressé au président de la République ?

Notre souci est que la situation s’améliore. Nous avons soulevé la question de la réconciliation nationale et ses insuffisances dans notre rapport remis en mars dernier. Des insuffisances dans tous les domaines : droits des femmes et de l’enfant, droits sociaux… Nous avons informé le Président de toute la réalité et des préoccupations quotidiennes des personnes concernées. Pourquoi ne pas rendre public ce rapport ? Je pense que l’actuel rapport le sera. Nous attendons seulement le feu vert de la Présidence. Evoquons à présent la question des Algériens emprisonnés à Guantanamo.

Quatre d’entre eux ont été remis récemment aux autorités algériennes. Amnesty international et Humain Right avaient établi à ce sujet un rapport accablant… La prison de Guantanamo est appelée à être fermée très prochainement. C’est une question de temps seulement, nous sommes à quelques semaines de l’élection présidentielle aux Etats-Unis, les démarches vont se précipiter.Sur ce point, Amnesty international et Humain Right ont été objectifs, corrects. Ils ont étaient efficaces et ont mis la pression qu’il fallait, ce dont je me félicite.

Et qu’en est-il des Algériens encore emprisonnés à l’étranger, comme en Grande-Bretagne ?

La situation est autre. Je ne sais pas si avec ces pays, l’Algérie pourra obtenir le même accord que celui signé avec la Libye. A ma connaissance, aucune démarche n’a été établie à ce jour avec la Grande-Bretagne pour nos prisonniers. Mais il ne faut jurer de rien.

S’agissant des harraga, l’émmigration clandestine est désormais criminalisée. Est-ce une solution ?

Je suis contre la criminalisation, mais pour la pénalisation. L’immigration clandestine ne peut pas être un crime mais un délit qui devrait être faiblement condamné par une peine d’amende. Car personne ne peut quitter les frontières irrégulièrement. Les jeunes harraga risquent leur vie par désespoir d’une vie meilleure. Privés de travail et de logement, les jeunes préfèrent quitter le pays quitte à être marginalisés dans un autre pays que le leur. Il ne faut pas donc les pénaliser doublement.

A mon avis, il faut un discours rassurant envers la jeunesse. Il faut que l’Etat leur explique qu’il ne compte pas les abandonner, en affichant une volonté de les encourager à rester dans leurs pays et surtout en les convaincant de ne pas enfreindre la loi. Je pense que le chef du gouvernement actuel le fera tôt ou trad. C’est quelqu’un de très soucieux de la jeunesse du pays. Vous avez déjà tiré la sonnette d’alarme quant à une explosion sociale si la situation des Algériens ne changeait pas.

Vous la maintenez toujours ?

Absolument. Tout pays peut être exposé à une explosion sociale. Il faut être très attentif et prendre les dispositions utiles pour éviter qu’un tel drame se produise. Il faut veiller sur les prix, l’accès au logement, la lutte contre chômage… Tous ces aspects peuvent constituer un cocktail explosif si on ne les prend pas en charge comme il se doit. Il est impératif de «désamorcer» de telles situations avec droiture et surtout à temps. Mais il ne faut pas nier que de très grands efforts humains ont été faits, notamment dans le secteur du BTP et que d’autres projets sont en cours dans d’autres domaines. Le pouvoir d’achat s’est également un peu amélioré. Je sais que cela reste insuffisant, ce pourquoi il faut le rappeler au gouvernement. Mais sans heurts ni déraison

Synthèse de l'article - Equipe Algerie-Monde.com

D'apres le Jeune Independant. Par Nassima Oulebsir. Le 26 Septembre 2008.

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