Algérie - Les Algériennes se mettent au narguilé
Sur le littoral algérois et dans quelques bourgades, c’est le même «bouillonnement « qui se dégage. Aujourd’hui, pour alimenter leurs soirées ramadanesques, les Algériens (et les Algériennes aussi) suivent une nouvelle et… ancienne mode aux couleurs orientales qui consiste à fumer la pipe à eau ou narguilé, qu’on appelle chez nous «errenguila».
Nous ne sommes pas au Caire sur la place Etahrir ou à Aïn El-Bey à Casablanca, mais tout simplement à quelques encablures d’Alger, plus précisément à Zéralda, en plein centre touristique.
Une fois arrivés sur les lieux, et devant ce décor qui se dresse devant nous, nous décidons de nous attabler au milieu du gazon, très spacieux, adjacent au Tennis Club.
L’ambiance est bon enfant même si le calme prédomine. Au loin, on entend la voix de Houari Benchenet qui vient mettre fin à ce silence dont les couples profitent. Le narguilé est servi le plus normalement du monde et les consommateurs ne se comptent pas sur le bout des doigts.
Mais, ce qui nous a frappés d’emblée, contrairement à d’autres pays consommateurs de «shisha», c’est que les jeux de société ne sont pas mis à la disposition des clients. Ils sont interdits.
Pourtant, ces jeux ont été de tout temps très prisés. C’est dire donc que nous sommes dans un lieu où le «kheloui» peut trouver son compte ou son conte (c’est selon).
L’endroit est idéal, même pour les amoureux qui, plus discrets, préfèrent se retirer dans un coin pour roucouler comme des pigeons.
D’autres prennent place sous les réverbères pour mieux observer le décor. A nos côtés, deux jeunes filles semblent ne pas échapper à cette accoutumance puisque l’une d’entre elles, une fois arrivée sur les lieux, ne tarda pas à appeler le garçon, qui lui a servi du thé et lui ramena un narguilé.
Compte tenu du calme qui régnait, nous avons pu entendre la conversation et la cliente a demandé une «shisha» à la menthe. Il existe d’autres arômes comme la banane, l’orange, la pomme, la fraise, etc.
A nos risques et périls, nous nous dirigeons vers sa table et abordons la conversation :
- Saha ftour’koum !
C’est le calumet de la paix ?
- Non, c’est la paix dans le calumet, ironise-t-elle.
Dès lors, nous avons compris que nous sommes en face d’une personne qui veut bien discuter et qui n’en est pas à sa première bouffée de narguilé. Nous reprenons la conversation.
- Excusez-moi, mais c’est la première fois que je vois une fille algérienne fumer la pipe à eau.
J’en ai déjà vu au Caire, à Tunis, à Amman, à Casablanca, mais jamais dans mon pays.
- Et bien, voilà, vous avez devant vous un spécimen et il me semble que ce n’est pas contraire à la loi.
- Non, non. Nous n’avons pas dit cela, même si vos poumons ne vous le permettent pas.
Mais dites-moi, que vous procure le fait d’en fumer ?
- J’essaie d’oublier un peu mes soucis et de voyager dans le néant. Lorsque j’écoute l’eau barboter, ça me fascine et je ne compte pas m’arrêter là. Je sais que c’est nocif pour la santé, mais qu’est-ce que vous voulez ? Je fume le narguilé tout en sachant que cela équivaut à plus d’une centaine de cigarettes dans les poumons.
De toutes les façons, je ne trouve pas les mots pour vous décrire le plaisir que cela procure. La jeune fille nous demande de revenir un jeudi soir pour constater le nombre de jeunes filles qui fument la «shisha» aux vertus magiques, fascinantes (selon ses dires).
Des astuces diaboliques pour fumer le «water pipe»
Certains consommateurs que nous avons rencontrés ce soir-là sont des adeptes du narguilé.
En plus de sa consommation quotidienne, ils nous proposent des astuces, pensant que nous en possédons un à la maison. Un client nous recommande, par exemple, pour faciliter la mise en place du bol dans le goulot du vase qui contient l’eau, de mettre une goutte de liquide vaisselle sur la paroi du vase afin de mieux faire glisser le joint ou encore de mélanger des arômes (fraise et banane) pour tomber complètement dans les bras de Morphée. Un autre ne trouve rien de mieux que de nous conseiller de mettre des petits glaçons dans le vase pour… rafraîchir la fumée.
A vrai dire, ce sont des spécialistes ; les Egyptiens de Khan El-Khallili ne diront pas le contraire, car mettre (c’est également un autre truc) différents fruits dans le vase pour renforcer davantage l’arôme au goût de fruits de la «shisha» ou encore conserver le tabac plus longtemps en le plaçant dans un réfrigérateur, relève de l’insolence.
Les méfaits de la pipe à eau
La jeune fille que nous avons abordée tout à l’heure ne s’était pas trompée et dit vrai. Selon une étude, fumer une fois le narguilé expose à un cubage de fumée correspondant à celui de cent cigarettes pour ne pas dire plus.
Donc, le risque est gros et il faut savoir également qu’une séance de narguilé met les fumeurs en danger, puisqu’ils s’exposent à une quantité de fumée plus conséquente que celle dégagée par les fumeurs de cigarettes. Une autre étude a fait ressortir qu’une cigarette est fumée en l’espace de trois à sept minutes.
Par contre, une séance de pipe à eau dure 35 à 60 minutes, d’où une inhalation plus considérable que celle de la cigarette.
Trois facteurs aux répercussions néfastes sur la santé de l’être humain peuvent résulter d’une séance de «shisha». Il s’agit de l’hyperventilation, du monoxyde de carbone et de la nicotine.
Pour ce qui est de l’hyperventilation, c’est un phénomène qui se manifeste quand une quantité assez importante de dioxygène traverse le sang. Cette opération se concrétise au moment de respirations très fortes et trop profondes. On a l’impression que les poumons vont éclater et qu’on n’a plus de cage thoracique. Cela peut entraîner du coup des vertiges et une asthénie, et l’on se retrouve aussitôt dans les bras de Morphée.
La nicotine et le monoxyde de carbone demeurent inlassablement les ennemis jurés des fumeurs et cela n’est pas nouveau. Ce sont deux substances toxiques qui sont beaucoup plus présentes dans le narguilé que dans la cigarette.
Au fait, c’est quoi
un narguilé ?
Narguilé, narjila, arguileh, shisha, houka ou ghelyan et aussi chilam : voilà des synonymes qui ont un dénominateur commun et une seule mission : pourrir les poumons.
Utilisé dans la plupart des pays arabes et européens, le narguilé est issu du mot persan shishe qui veut dire verre.
En Iran, cette variante de pipe à eau est appelée ghelyan, qui est apparemment dérivé de l’arabe aghla (faire des bulles, bouillir).
Les traces les plus anciennes du narguilé ont été trouvées au sud ou à l’est de l’Afrique.
Son utilisation remonte aux années 1320. Par la suite, ce produit «délicieux» du Moyen-Age a voyagé à travers le monde pour conquérir les cinq continents
Aujourd’hui, on estime à 100 millions le nombre de fumeurs de narguilé à travers le monde et c’est dans les années 1980 qu’il acquiert une certaine renommée dans les Etats européens.
Le narguilé est composé de plusieurs parties : la cheminée, le bol supérieur, le corps (ou réservoir), la pipe immergée et le tuyau.
Le mélange de tabac, de mélasse et d’essences de fruits est placé dans le bol qui se pose au sommet de la cheminée.
Et s’il occupait plutôt nos salons ?
Si vous avez un grand espace chez vous et des petits poumons, autant mettre le narguilé dans le salon. Il est vrai que quand on achète un objet pareil qui varie entre 2 500 et 3 500 DA, il vaut mieux qu’il occupe une place dans notre logis que dans nos poumons.
Les brocanteurs demeurent les meilleurs vendeurs de ce genre d’objet si prisé par les collectionneurs. Ils dénichent ce genre de pièce très ancienne, la raccommodent et la polissent de manière à faire monter les enchères. A titre d’exemple, un narguilé en cuivre massif, de 115 centimètres de hauteur et pesant 5,400 kg, très décoratif, à quatre bougeoirs pour une lumière tamisée, a été vendu à raison de 200 euros (20 000 dinars). Il existe toutes sortes de narguilés.
Au Caire, on peut les trouver dans tous les marchés : depuis les miniatures jusqu’aux très grands modèles. Là-bas, dans ce pays où tout s’achète et tout se vend, nul doute que cet objet possède une place considérable dans le commerce, compte tenu des touristes européens en grand nombre qui affluent au pied des pyramides.
En Egypte, soit on fume le narguilé, soit on le conserve comme objet d’art dans un salon également peuplé de meubles rustiques. Ce n’est pourtant pas le cas chez nous, puisque les Algériens (et les Algériennes aussi) qui sont au stade embryonnaire dans le domaine de la «shishamania», l’utilisent pour le seul plaisir de l’utiliser. Ainsi donc, avec tous les risques qu’ils encourent, peu leur importe de mourir mais ça leur fait de la peine de quitter la vie.
Synthèse de l'article - Equipe Algerie-Monde.com
D'apres le Jeune Independant. Par Saïd Lacète. Le 26 Septembre 2008.
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