Algérie - Energie : Pétrole, les prix baissent l’Amérique fait son plein
La croissance de la couverture mondiale en pétrole avec le pic maximum de production à partir de 2006 est très souvent décrite comme une menace de la ‘sécurité énergétique’ des pays consommateurs (industrialisés et émergents).
Ces pays pensent établir une corrélation explicite entre deux objectifs, la sécurité et la réduction de la dépendance pétrolière.
Une appréciation rigoureuse du fonctionnement du marché pétrolier montre au contraire que la sécurité énergétique, quel que soit le contenu précis qu’on lui donne (disponibilité physique des approvisionnements, niveau et stabilité des prix, exposition aux crises), est quasi indifférente au niveau des importations pétrolières, au taux de dépendance extérieure et à la provenance géographique du pétrole.
On peut dire maintenant que le marché pétrolier n’est plus, aujourd’hui, qu’un immense marché ‘spot’, qu’on pourrait comparer à une grande bassine remplie de pétrole.
Certes, des volumes importants font encore l’objet de contrats de long terme, mais les formes de prix de ces contrats sont toutes indexées sur les prix spot. Les éventuelles obligations contractuelles de long terme sont honorées au travers de l’activité ‘trading’.
La Sonatrach trading au pouvoir souverain installée à Londres devrait jouer le rôle de ‘traders pétrolier’ auprès des bourses pétrolières. La relation entre acheteur et vendeur est médiatisée par le jeu de trading, à travers lequel les agents optimisent leurs approvisionnements au jour le jour.
Ainsi, un producteur peut honorer un contrat de long terme sans qu’un baril de sa production ne soit jamais livré à l’autre partie au contrat, comme il se peut aussi que les cargos suivent effectivement le chemin dessiné sur le papier par le contrat: dans un cas comme dans un autre, la relation contractuelle ne constitue pas un substitut au marché spot, qui est bien le cadre institutionnel dans lequel se réalise la quasi-totalité du commerce pétrolier mondial.
Cargos ‘libres’ comme cargos ‘contractés’, c’est par cette pratique frauduleuse que certains faux producteurs (qui en réalité ne produisent pas une goutte de pétrole) sont à la sommité du ‘business pétrolier’, au dos de l’OPEP et perturbent le marché institutionnel.
Le marché ‘spot’ n’a aucun lien avec les contrats conventionnels du long et moyen terme qui sont nécessaires au développement et à la valorisation des hydrocarbures d’un pays producteur-exportateur, notamment par l’apport de capitaux par le partenaire avec partage du ‘risque’. Le spot est un contrat instantané sans partage de risque ni d’apport de capitaux, c’est un marché sur papier.
Le pétrole est américain, les prix sont américains
Grâce à la mise en place d’un important dispositif militaire dans les pays arabes du Moyen-Orient que les Américains sécurisent leurs approvisionnements en pétrole provenant du golfe Persique, tout en pratiquant la politique de ‘diviser pour régner’, séparant les musulmans sunnites des musulmans chiites, armant les uns, désarmant les autres.
Les mécanismes du marché pétrolier instaurés par les Américains ne sont pas à l’abri d’une rupture physique dans les approvisionnements pétroliers et même d’une troisième guerre mondiale, s’ils persistent sur la violence.
Une crise pétrolière, même lorsqu’elle a pour cause la défection accidentelle ou volontaire d’un producteur, se manifeste toujours par une hausse des prix, ressentie par tous les consommateurs de pétrole où qu’ils soient dans le monde.
La hausse des prix est le symptôme de la pénurie, et aussi le remède de la pénurie, ce qui pourra expliquer les récentes fluctuations du prix du pétrole de (146 à 9 dollars), le remède était d’augmenter la production en puisant sur les réserves de la SPR (Strategic Petroleum Reserve) installée aux Etats-Unis, en Arabie Saoudite et un peu à travers le monde.
La flambée des prix a été créée volontairement par les Etats-Unis pour écouler plus la réserve stratégique stockée d’environ 650 millions de barils sur le marché ‘spot’ (prix d’achat avant le stockage: 60 $, prix de vente: 140 $), un bénéfice de 52 milliards de dollars.
Les prix reviendront à leur place initiale pour remplir encore une fois les réserves stratégiques, à cet effet l’OPEP réduira sa production pour jouer le jeu arabo-américain.
Le spot, un marché parallèle
Avec le marché ‘spot’ les embargos sélectifs ne constituent pas une menace crédible. Par exemple, il n’est pas possible pour l’Iran qui veut défendre ses intérêts contre la convoitise américaine, comme toute autre production ou groupe de producteurs (l’OPAEP, ou l’OPEP), de restreindre ou de stopper ses exportations vers les Etats-Unis.
Admettons, par hypothèse, qu’il soit possible d’interdire aux cargos ayant par exemple chargé du pétrole iranien de le livrer aux Etats-Unis, ce qui suppose un accompagnement maritime de tous les pétroliers qui chargent en Iran.
Les raffineurs et traders américains touchés par l’embargo, ceux spécialement qui avaient l’habitude de raffiner le brut iranien, se retournent vers le marché ‘spot’, ou vers les producteurs non OPEP pour compenser les approvisionnements manquants.
Ils obtiendraient tout le pétrole pour lequel ils sont prêts à le payer, sachant que le prix ‘spot’ augmenterait brutalement du fait de leur comportement: le marché transformerait une pénurie physique en une hausse des prix ressentie par tous les pays consommateurs.
A ce moment, trois scénarios sont possibles :
- Le premier, les Américains déploieront la Rapid Deployment Force (RDF) stationnée en Arabie Saoudite pour occuper les puits iraniens ou comme cela pourrait être un autre pays par exemple.
- Le deuxième, l’Iran maintient son niveau de production et interdit aux cargos de charger du pétrole à destination des Etats-Unis, dans ce cas si les pays membres de l’OPEP et les pays non OPEP se monteront solidaires; dans ce cas-là, la hausse des prix ne sera pas limitée.
- Le troisième, l’Iran réduit ses exportations totales du montant habituellement livré aux Etats-Unis; l’embargo s’apparente alors à une réduction de l’offre mondiale et la durée de la hausse des prix dépend du temps nécessaire aux producteurs non OPEP qui ne veulent pas jouer le jeu pour prendre une part du marché abandonné par l’Iran.
De toute façon, les pays du golfe Persique producteurs de pétrole, désunis, sont incapables d’utiliser l’arme du pétrole pour se défendre contre la convoitise de leur richesse par l’Occident, c’est en fait une croisade, mais cette fois-ci avec la bénédiction des gouverneurs arabes. (Le ‘Financier’ du 28/06/2008, sous le titre ‘La convoitise du pétrole arabe et sa défense’, par Y. Mérabet).
De toute façon, si un Etat importateur de pétrole, comme les Etats-Unis qui comptent sur leur force de frappe, souhaite punir un Etat exportateur progressiste ou faire pression sur lui, il ne peut le faire que de manière sélective en isolant la victime, profitant de la confusion au sein de l’OPEP, du soutien de certains pays arabes et avec l’aide de l’AIEA.
L’Arabie Saoudite, une mèche rebelle
Le pétrole brut s’échange à un prix mondial unique (net des coûts de transport et de différentes qualités), déterminé sur un marché ‘spot’.
Les pays du golfe Persique, qui ont toute la flexibilité d’augmenter rapidement leur offre à des coûts représentant une petite fraction du prix en vigueur (soit en exploitant plus intensément leurs capacités installées, soit en les augmentant), ont donc le pouvoir d’évincer les autres producteurs sur les marchés, tout en exerçant une pression à la baisse sur le prix.
A l’inverse, lorsqu’ils diminuent leur production ou simplement ne l’augmentent pas, alors que la demande croît pour défendre un niveau de prix, ils perdent des parts de marché si d’autres producteurs sont capables de couvrir la demande aux prix en vigueur; dans le cas contraire, le prix augmente.
Entre 1980 et 1985, l’Arabie Saoudite avait réduit continuellement sa production pour soutenir le prix dans le contexte de baisse de la demande mondiale; cela s’est traduit par une forte chute des exportations du golfe Persique vers les Etats-Unis.
Après 1985, l’Arabie Saoudite s’engage dans une stratégie de reconquête de ses parts du marché: ses exportations vers les Etats-Unis passent de 0,2 Mb/j en 1985 à 1,4 Mb/j en 1989.
Dans les années 1990 et ceci pour la première fois, la part du golfe Persique a baissé alors que les importations américaines augmentaient.
Pendant cette période, l’offre pétrolière mondiale (hors Golfe) est restée très dynamique, contraignant les producteurs du golfe Persique à contenir leurs niveaux de production pour éviter une chute des prix, qui s’est finalement produite en 1997-1998.
La part du golfe Persique dans les importations américaines a donc baissé jusqu’en 1997. Son redressement entre 1988 et 2000 est entièrement dû au retour du pétrole irakien sur le marché américain: 700.000 b/j en 1999 contre 0 en 1996.
On pourrait donc dire que les producteurs du golfe Persique, et notamment l’Arabie Saoudite, déterminent largement eux-mêmes l’évolution de leur part du marché mondial, mais aussi aux Etats-Unis.
Il suffit de produire davantage pour que cette part augmente, au prix d’une baisse, éventuellement forte, des cours du brut. Les restrictions et les quotas de production de l’OPEP sont pour ceux qui veulent les respecter, chaque membre de cette organisation triche comme il peut.
L’Arabie Saoudite contre toute décision des membres de l’OPEP pour créer des tensions commerciales nécessaires pour l’ajustement du prix du pétrole et de la préservation du pouvoir d’achat des pays exportateurs, ne respecte plus ses engagements auprès de l’OPEP, elle devient même gênante en créant des entraves.
La décision qu’elle venait de prendre contre la bonne volonté des autres membres pour augmenter de 2 millions de b/j et non de 300.000 b/j comme on l’entend.
Ces 2 millions vont remplir la SPR (Strategic Petroleum Reserve) pendant la période de la chute libre du prix du baril de pétrole brut, qui sera mis sur le marché ‘spot’ dès que le niveau du prix sera à son maximum.
Cette décision rebelle a fait jouir le secrétaire américain du Trésor John Snow qui a répliqué en disant «la démarche de nos amis les Saoudiens est une bonne nouvelle», ce qui nous prouve que le grand producteur pétrolier de l’OPEP fait des cadeaux et des courbettes aux Américains, alors que dit-on pour les autres membres ?
L’OPEP se réduit au rôle de ‘traders’
Le rôle de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole est d’assurer la sauvegarde des prix et aussi d’instaurer une coopération destinée à promouvoir le développement pétrolier et économique, et à favoriser les investissements, la formation et la recherche technologique dans les pays membres et leur industrie pétrolière.
Mais après sa prise en main par le Saoudien Zaki Yamani, elle s’est vu amputer le deuxième rôle et ne conserver que la sauvegarde des prix du pétrole et l’adaptation des pays gros producteurs du golfe Persique (sauf l’Iran) aux projections du marché pétrolier américain, c’est ce qui a été révélé dans le premier chapitre.
La création de l’Organisation des pays arabes exportateurs de pétrole (OPAEP) s’est chargée du volet abandonné par l’OPEP.
C’était la première gaffe que les Arabes ont commise, les Etats membres tous d’une même famille: l’Arabie Saoudite, l’Egypte, l’Irak, le Bahreïn, les Emirats, le Koweït, la Syrie, la Libye et l’Algérie, alors que l’Iran, le premier dans la production dans l’histoire du golfe Persique où les Arabes puisent leur pétrole, fut marginalisé et exclu de cette nouvelle organisation. La première nationalisation du pétrole du Golfe a été faite par l’Iran, l’OPEP créée sous l’idée de l’Iran et du Venezuela, les Arabes n’ont fait que suivre la charrue.
Les deux organisations, l’OPEP et l’OPAEP, ont été truquées par l’Arabie Saoudite et les Etats-Unis, elles ne fonctionnent plus pour le progrès, bien au contraire c’est un frein au développement économique et social des pays membres du Maghreb et des pays non arabes.
Les pays membres de l’OPEP devraient s’attacher à mettre en oeuvre des dispositions appropriées qu’ils maîtriseraient directement et qui leur permettraient (tout en faisant fructifier leurs avoirs) de mettre en oeuvre une politique de coopération avec les autres pays en voie de développement.
Dans ce contexte, il était prévu que soient imposés aux institutions financières internationales les ajustements réclamés en vain depuis longtemps par les pays en voie de développement, l’Agence au capital initial de 20 milliards de dollars minimum devrait être créée par les pays membres de l’OPEP.
Les ressources d’une telle Agence proviendraient des contributions au capital fournies par les pays membres ainsi que les apports de ces mêmes pays sous forme de prêts. L’intérêt d’un tel Fonds serait de canaliser des ressources vers les projets de coopération aux projets des autres pays en voie de développement.
Un Fonds avait déjà été préconisé par l’Algérie au sommet des chefs d’Etat de l’OPEP en mars 1975. Ce projet repris par le Venezuela sous forme d’une banque de l’OPEP alimentée par les primes payées par les pays industrialisés en dessus du marché de brut.
Cette banque offrait aux pays en voie de développement des prêts à long terme et à faible taux initial pour développer leurs propres sources d’énergie.
Depuis, le Venezuela et l’Algérie ont élaboré un projet commun d’Agence de développement et de la coopération avec les pays en voie de développement dont le principe de création a été accepté à la conférence de l’OPEP de Caracas en décembre 1979.
Enfin, réunis à Caracas en mai 1981, au niveau ministériel, les pays du Groupe des 77 ont adopté un programme d’action «Sud-Sud», qui concerne le commerce, la technologie, l’alimentation et l’agriculture, l’énergie, les matières premières, finances, industrialisation et coopération technique.
Une telle Agence aurait l’avantage de pouvoir octroyer des ressources importantes des conditions différentes que de celles du Fonds monétaire international.
L’Algérie et le Venezuela, membres de l’OPEP, ont fait les premiers pas dans la voie de la création de l’Agence de coopération algéro-vénézuélienne pour le développement en rendant permanent le Fonds spécial de l’OPEP et en le dotant d’un capital de 4 milliards de dollars.
Par ailleurs, le Venezuela et le Mexique se sont engagés au terme de l’accord de San José d’août 1980 à satisfaire, à concurrence de 160.000 b/j, la consommation pétrolière des pays d’Amérique centrale et des Caraïbes, ces fournitures seront fournies à part égale.
Mais ces actions ne se sont vues plus répétées et seront abandonnées une fois que la majeure partie des pays arabes auront bénéficié des prêts de développement à cause des divergences politiques entre les membres modérés de l’Organisation et les membres influents d’obédience américaine.
Que chaque lecteur commente cet article à sa manière et en tire lui-même sa conclusion.
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Conseiller sur les questions de l’énergie
Synthèse de l'article - Equipe Algerie-Monde.com
D'apres Le Quotidien d'Oran. Par Y. Merabet *. Le 29 Septembre 2008.
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