Algérie - Ghardaïa : Retour à la méthode du fils de Noé
Petite définition format poche du vocable «civilisation»: c'est la maîtrise du temps qui passe et du temps qui fait. En clair, plus on maîtrise l'hiver, le chaud, le froid, les inondations ou les sécheresses, plus on se rapproche de la civilisation et on s'éloigne de la grotte inaugurale de l'humanité qui s'abrite.
La distance est mesurable à la distance qu'il y a entre la fourrure animale et l'urbanisme. Ce qui s'est passé donc à Ghardaïa n'est pas la faute de l'Etat : il n'existe plus ou si peu. Ni du peuple : il a été emporté. Ni du Ciel : c'est sa loi et sa nature.
Ce qui n'a pas fonctionné, ce sont les secours, le plan Orsec, le réflexe, la rapidité. En clair : il n'y avait pas assez de distance entre le pays et la nature, la grotte et la ville.
Un pays mesure son développement à la maîtrise de l'hiver et des horloges. En Occident, la saison froide est une fête, une belle chute de flocons de neige sur des couples amoureux, des jouets et un beau tableau de chaumières, de feu de cheminées...etc. Ailleurs, là où on n'a pas encore conquis la lune, l'hiver est une menace, une saison de mort, comme il le fut pour l'homo sapiens à l'époque des grognements linguistiques.
Donc à Ghardaïa, il y a eu des morts parce que nous n'avons pas encore suffisamment « creusé » la distance. Nous en sommes encore aux avaloirs mal faits et cela se conclut par des inondations assassines. Et rien n'exprime mieux l'état de cette nature plus forte que l'Etat et son reste que ce recours de survie choisi par un père de famille pour sauver les siens : les faire grimper chacun sur le tronc d'un palmier altier.
La méthode remonte même aux temps mythiques de Noé dont le fils avait choisi de s'asseoir sur le sommet d'une montagne pour échapper aux flots. Encore qu'à l'époque de Noé, le salut divin, la technique des navires et les lois du symbolisme et de l'allégorie permettaient encore de sauver une partie de l'humanité avec le bestiaire des animaux élus.
La finalité du mythe étant d'expliquer le Déluge par le manque de foi, le Salut par la volonté de Dieu mais aussi par la maîtrise de la technique. Noé avait bâti un navire avant le déluge, au sec et en prévision du pire.
Un plan Orsec à sa manière. Chez nous, ce n'est pas le cas. Personne ne maîtrise la construction des navires, tout au plus celle des radeaux, au nord et à destination de l'Espagne. D'où le reste : une catastrophe à Ghardaïa, mais aussi à chaque fois que la nature fait peser ses lois. Il n'y a pas assez de distance entre nous et la préhistoire. Nous en sommes encore à sauver nos vies en grimpant aux arbres.
Synthèse de l'article - Equipe Algerie-Monde.com
D'apres Le Quotidien d'Oran. Par Kamel Daoud . Le 5 octobre 2008.
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