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Algérie - Le «Nom de Dieu» comme carburant national

Le nom de dieu C'est une sensation « nationale », collective et ressentie presque par tous ceux qui habitent ce pays et s'y sentent transportés comme des voyageurs passifs, l'un discutant en silence avec le dos de l'autre: le pays roule en roue libre depuis pas mal de temps.

On distingue bien le dos du chauffeur national, fixant de ses yeux historiques l'éternité ou sa propre biographie, on distingue ses mains inaugurales tremblantes serrées sur le volant, on ressent parfois le poids du frein ou l'élan diesel de l'accélérateur, mais cela ne dément en rien la sensation de dangereuse liberté d'un pays soumis aux lois automatiques de la pente et à la règle de la gravité plutôt qu'à la volonté stricte de son conducteur.

Cette certitude de cascade molle poussant le bus collectif à accélérer de plus en plus indépendamment de la volonté de ses voyageurs, les Algériens la collectent en balayant avec le faisceau de l'intuition, les terres de chaque matin. La cohésion du pays, sa position debout entre ses voisins géographiques, la cadence mécanique de ses administrations et institutions, le bruit de sa respiration et même ses réactions musculaires confinent à de l'automatisme plutôt qu'à de la mécanique de la volition.

Pourquoi ? Parce qu'il y a quelque chose qui a démissionné dans la chaîne du sens national: la chaussure posée sur l'accélérateur, le pied lui-même, le muscle de la jambe, le président de la RADP qui félicite le roi du Lesotho, ou le reste du peuple entassé derrière son dos, voyageant vers l'étoile polaire où leur ont donné rendez-vous les derniers martyrs en altitude. Les chauffeurs appellent ça « le poids mort » et l'Algérie semble en effet, vraiment, réellement, absolument en poids mort.

« Ça » roule mais dangereusement et de plus en plus vite et avec seulement le nom de Dieu pour carburant alternatif à la fin de l'utopie du socialisme. Cela ne tient qu'à cause de Dieu, des vieux vieillards qui irradient de la baraka, des enfants qui ont encore des ailes sous les omoplates ou parce qu'il n'y a rien d'autre à faire que de descendre, suivre la pente.

Raison pour laquelle chaque matin dans ce pays, chaque citoyen s'étonne que cela continue encore, que ce pays existe une journée de plus, que tout ne s'est pas effondré. Car autrement que par la pente, l'Algérie est un miracle de trapéziste ou la preuve que l'on peut continuer à avoir des cheveux et des ongles, même après son propre enterrement.

Synthèse de l'article - Equipe Algerie-Monde.com

D'apres Le Quotidien d'Oran. Par Kamel Daoud. Le 6 octobre 2008.

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