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Algérie - «J’ai eu le privilège de jouer contre Benbarek»

il a jouer contre BenbarekQuel a été votre itinéraire sportif ?

Tout comme les gamins de mon époque, j’ai commencé à tripoter la balle en 1940 vers l’âge de 8 ans. C’était sur le terrain de Djenan El Goubi situé au niveau de la Rampe Vallée de la Haute Casbah, limitrophe à mon quartier natal de Bab Ejdid qui servait également de lieu d’équitation de l’armée française. C’est en 1947 à 15 ans que j’ai officiellement signé ma première licence à l’Idéal club musulman algérois (ICMA) de Bab Ejdid.

A 15 ans à peine, je faisais déjà partie de l’équipe fanion. Sous la houlette de l’entraîneur Abdelkader Doussas et du président Omar Boukas, tous deux disparus, j’ai vite fait de gagner ma place de titulaire en tant qu’ailier droit. Je signe en parallèle une licence avec l’équipe corporative-genre —sport et travail de nos jours — de Bastos où travaillaient beaucoup de dirigeants de l’USMA. Ces derniers qui m’ont vu à l’œuvre, n’ont pas attendu longtemps et malgré mon très jeune âge, m’ont orienté vers l’USMA.

A moins de 17 ans, je deviens titulaire indiscutable comme avant-centre cette fois aux côtés de prestigieux joueurs, tels les frères Ouaguenouni, Yacef Saâdi, Zoubir Bouadjadj, et bien d’autres, parmi lesquels, certains sont tombés au champ d’honneur. Je n’omettrais pas de dire au passage que c’est notamment grâce aux encouragements du regretté dirigeant de l’USMA Moh Arezki Benaceur, un très grand connaisseur du football, que j’ai pu m’adapter et m’imposer à seulement 17 ans. En 1952, je quitte malgré moi l’USMA pour passer le service militaire. Je passe 6 mois à la caserne d’Orléans de Bab Ejdid et 18 autres à Belfort en France.

Dès mon retour en Algérie, en 1954, je suis contacté par mon ami et frère le regretté Hacene Chabri qui m’a convaincu de le joindre en Tunisie et de signer au célèbre club de Hammam Lif où il évoluait avec d’autres joueurs algériens. J’ai dû supplier ma mère qui s’opposa fermement à cet autre exil, mais qui finalement a dû céder. A Hammam Lif, club dirigé par le président et prince Salah Eddine Bey, fils du Bey de Tunis, incontestablement le meilleur à l’échelle arabe de l’époque, et qui a bénéficié de l’apport de beaucoup d’Algériens et pas des moindres tels les frères Bentifour, Haddad, Mustapha Hammoudi, Zerrar, je reste jusqu’à la fin de l’année 56.

C’est durant cette période que le club est devenu quelconque, notamment suite à la destitution du Bey de Tunis. Je n’ai pas beaucoup chômé puisque quelques jours après, je rejoins l’US Tunis. Et le hasard a voulu que ce club, resté 10 ans de suite en division 2, retrouve, à mon arrivée, la division 1 en moins d’une année.

A l’occasion de cette accession, un grand tournoi nord-africain a été organisé avec les sélections de la Tunisie, du Maroc, de la Lybie et de l’Algérie encore en guerre. Les joueurs algériens composés dans leur majorité de pros évoluant en France et d’autres en Tunisie ou venant carrément des maquis étant convoqués par les responsables du FLN. C’est durant ce tournoi remporté par les Algériens et auquel j’ai pris part que l’idée de créer une équipe de l’ALN a germé chez les responsables du FLN.

Entraînée par Ben El Foul de Boufarik et encadré par les deux grands révolutionnaires Ahmed Bouda et Salah Maâchou, la naissante équipe de l’ALN, avec les Zerrar, Doudou, Sagou, Belhaik, moi-même et autres... durant la saison 56/57, a disputé de nombreux matchs dans la quasi-totalité des pays du Moyen-Orient. C’est durant cette tournée que nous avons appris la création de l’équipe du FLN composée essentiellement de joueurs évoluant dans les clubs pros français. De retour en Tunisie, en 1958, où est basée l’équipe de l’ALN, je reprends du service avec l’UST que je quitte dès l’indépendance de l’Algérie en 1962.

A 30 ans, vous relancez votre carrière à l’USMA ; omment s’est fait ce retour aux sources ?

Des moments d’intense joie et de pur bonheur. J’étais comme un ancien qui encadrait les jeunes coéquipiers venus pour la majorité de l’équipe du Atade Algérien. Avec les Chabri, Belbekri, Meziani, Madani, Djemaa...bien pris en main par le regretté entraîneur Azzouz, nous remportions le critérium. A l’USMA, je continue de jouer jusqu’à la saison 69/70, c’est-à-dire à près de 38 ans.

Tout en jouant, vous devenez entraîneur des jeunes du club, une mission qui n’a pas duré

J’avais du plaisir à le faire avec les minimes qui avaient pour noms Keddou, Bedarem, Abdouche, Dahmane Kopa, Oukid, El Okbi, le frère du regretté gardien Djamel. Les supporters qui étaient tellement émerveillés par le talent et les prouesses de la jeune composante, ont vivement demandé à voir cette dernière en lever de rideau de l’équipe fanion. Je rappellerais que la majorité des minimes en question a évolué en seniors. Je n’ai hélas pu continuer à entraîner les jeunes du club pour diverses raisons que je préfère taire.

Avez-vous un quelconque palmarès à exhiber ?

En Tunisie et avec l’équipe de Hammam Lif, j’ai eu l’honneur de remporter le titre de champion d’Afrique du Nord durant la saison 56/57, ainsi que de nombreux titres de champion et de coupes en Tunisie. En Algérie, je compte le titre du critérium de la saison 62/63 avec l’USMA et de quelques sélections en équipe nationale. Par ailleurs, je compte un nombre appréciable de buts dans ma carrière.

Que retenez-vous comme meilleur souvenir de votre carrière ?

Le fait d’avoir eu le privilège de jouer contre le Marocain Benbarek, surnommé la Perle noire et meilleur joueur du monde de l’équipe.

C’était en 1956 à Tunis à l’occasion du match Hammam Lif-O. Marseille.

Le plus mauvais ?

Le fait d’avoir été carrément saboté (il insiste sur le terme) en 1947 par un arbitre algérien de surcroît. C’était lors du match joué au stade municipal actuel 20-Août 55, USMA-Galia.

Suite à une lumineuse passe en profondeur de mon coéquipier Hadj Rabah Zouaoui, je m’engouffre dans la surface de réparation et m’apprête à marquer un but certain. Je suis sèchement pris en sandwich par les deux grands défenseurs Salva et Fortuné. Au lieu de siffler un penalty flagrant en ma faveur et de sanctionner les deux défenseurs, l’arbitre en question ne trouve pas mieux que d’accorder, à la stupéfaction générale un coup franc au profit des deux défenseurs.

Sans cette injustice, notre équipe qui a perdu 1-0 ce match barrage comptant pour l’accession en division d’honneur, aurait pu connaître bien meilleur résultat. J’avais 19 ans et j’étais le plus jeune joueur de mon équipe et je n’ai pas cessé de pleurer comme un bébé.

Quel est l’entraîneur qui vous a le plus marqué ?

Les regrettés Hamid Bordeaux et Abdelaziz Bentifour m’ont laissé la meilleure impression et ont considérablement forcé mon respect.

Le dirigeant ?

Je garde un excellent souvenir de Saïd Meddad, El Hadj Benkanoun et Abdelkader Amrani, tous anciens dirigeants de l’USMA. L’arbitre ? Benganif, Khelifi, Benzellat et Aoussi étaient les leaders d’une corporation qui imposait le respect de par sa grande compétence, son honnêteté.

Qui était le coéquipier le plus proche de vous ?

Avant l’indépendance, c’est avec Hacene Chabri que j’avais le plus d’affinités. Après, ce fut avec Lakhdar Guittoun. Je dirais tout de même que je me sentais bien avec tout le reste de mes coéquipiers et le respect était mutuel.

Quelles étaient vos principales qualités ? Mon petit gabarit me permettait d’avoir une excellente couverture de balle. J’étais rapide, vif et opportuniste. J’excellais aussi dans les coups francs et les corners grâce auxquels j’ai inscrit un grand nombre de buts.

Vos principaux défauts ?

(Longue réflexion)...peut-être le jeu de tête... Votre joueur modèle de l’époque Le Marocain Benbarek, un génie sans pareil celui-là.

Quel est le défenseur que vous craigniez le plus ?

Je n’en faisais pas de fixation particulière, je m’en sortais le plus souvent y compris contre les défenseurs les plus costauds et les plus rugueux.

Ce sont mes coéquipiers Bernaoui et Meziani qui étaient les plus visés.

Quelle comparaison faites-vous du football de votre époque et celui de ces dernières années ?

La différence qui est de taille réside dans l’amour et les couleurs du club. A notre époque, tous défendaient l’intérêt suprême du club. De nos jours, l’argent et le matériel font énormément de mal au football, à sa crédibilité et son niveau. Les responsables et les dirigeants malintentionnés pour leur majorité sont une des causes principales du déclin et de l’odeur nauséabonde qui y règne.

Que pensez-vous de l’apport des entraîneurs étrangers ?

Une très mauvaise politique. Les techniciens, il faut les former ici, les laisser travailler et les recycler en permanence. Il est regrettable aussi de constater que les écoles de football telles que celles du RCK, de l’OMR, de l’USMO, l’OMSE... n’existent plus.

Un mot sur l’actuelle USMA ?

Le seul match que j’a suivi ne m’a pas du tout emballé eu égard à la faiblesse de l’équipe. J’ai été outré et scandalisé par le comportement inadmissible de certaines personnes très âgées pour la plupart installées à la pseudotribune officielle du stade de Bologhine. Ces derniers n’ont pas cessé malgré leurs cheveux blancs et leur âge avancé, de balancer leurs insanités et injures en tous genres en direction de l’arbitre, des joueurs et de l’entraîneur de l’USMA, de l’adversaire.

A notre époque, c’était un autre monde où la sportivité régnait en maîtresse absolue et où on assistait à la présence de nombreuses femmes et jeunes filles. C’était réellement l’esprit de famille. Que vous a apporté le football ? Beaucoup de satisfactions et de plaisir sur le plan moral surtout. Il m’a permis de beaucoup voyager, d’être connu et respecté y compris de nos jours.

Vous le referiez ?

Avec énormément de joie mais avec plus d’intelligence et nettement plus à profit.

Qu’appréciez-vous le plus chez l’homme ?

La sincérité et la vraie fraternité.

Ce que vous détestez le plus ?

Le mensonge par dessus tout

Qu’est-ce qui peut vous rendre heureux ?

Voir ma famille et mes enfants heureux et que ma femme opérée trois fois en France soit rétablie et très vite.

Etes-vous branché politique ?

Pas du tout Un homme politique quand même J’admire Yacef Saâdi un grand militant de la cause nationale, chef de la zone autonome, frère aîné et ancien coéquipier à l’USMA. J’ai toujours du plaisir à le revoir.

Passe-temps favori ?

Les retrouvailles avec les anciens coéquipiers et ma grande complicité avec Hamid Benkanoun qui a également joué à l’USMA.

C’est une encyclopédie du football et un véritable blagueur.

Votre plat de cuisine préféré ?

J’ai un faible pour les pâtes et les spaghettis à l’italienne.

Pour conclure ?

Je tiens à rappeler ceci. En 1955, la première équipe de football représentant l’Algérie a été créée par le regretté Mustapha Kateb. Elle a pris part au festival mondial de la jeunesse et des étudiants qui a eu lieu à Varsovie en Pologne.

Parmi les joueurs retenus, il y avait les Ader, Djemaâ, Zioui, Metrah, Zermani, Azzouz, Gandriche et moi-même entre autres...Je n’omettrais pas de signaler également que l’Algérie a été également présente à Varsovie avec sa brillante équipe de basket-ball, qui n’était autre que celle de l’USMA des Houbi, Taleh, Zirmi...qui a raté de très peu la finale face à l’Egypte. Autre chose à ajouter ? Que notre cher pays retrouve la paix et la tranquillité de jadis.

Synthèse de l'article - Equipe Algerie-Monde.com

D'apres horizons-dz.com. Par Abdenour Belkheïr. Le 10 octobre 2008.

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