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Algérie - L’état de l’enseignement supérieur en Algérie

enseignement superieur en algerie Sous quelle physionomie se présente l’enseignement supérieur en Algérie ? Le discours officiel algérien met toujours l’accent sur les progrès quantitatifs de l’éducation à tous les paliers de l’enseignement, et rarement sur la qualité.

Le nombre des universités et centres de recherche réalisés, les effectifs des élèves et des étudiants inscrits chaque année dans les différents établissements, le nombre de classes ouvertes, de centres d’hébergement et de lits disponibles, le nombre de chaises et de tickets de restauration, etc.

sont à chaque rentrée scolaire ou à l’occasion de «festivités et de cérémonies officielles» égrenés comme autant de réalisations grandioses de l’Algérie indépendante qui ne ménagerait pas ses efforts pour démocratiser l’enseignement et le rendre obligatoire pour tous «ses enfants».

Tous les discours et les documents officiels répètent ainsi la même rengaine. En voici un exemple parmi bien d’autres : «Dans le cycle supérieur, en 40 ans, les effectifs ont été multipliés par un coefficient voisin de 250, passant de moins de 1.000 étudiants en 1962 à 740.000 en 2005 répartis dans 58 établissements supérieurs dont 27 universités, 13 centres universitaires, 6 Instituts nationaux, 6 Ecoles nationales, 4 Ecoles normales supérieures et deux annexes d’université.» Quant à la recherche scientifique, elle «est forte de 12.000 chercheurs, dont 10.000 enseignants- universitaires.»

(1)Ce progrès quantitatif est indéniable. Il traduit une volonté évidente de la part des pouvoirs publics de généraliser l’instruction à tous les paliers du système scolaire. En témoigne le PNB (produit national brut) consacré à l’éducation et à la formation durant la période qui s’étale de 1970 à 1979, et qui s’élève à 13 %. C’est un pourcentage énorme si on le compare au PNB des USA et de l’ex-URSS durant la même période (8 % seulement). Cependant, ce PNB algérien consacré à ce chapitre est en baisse actuellement.

En 1992, il n’est que de 0,2 % contre 3 % pour les pays industrialisés. Concentrons-nous pour l’instant sur le côté purement quantitatif de cette évolution avant d’aborder son aspect qualitatif. L’université en chiffres : la quantité au détriment de la qualité Les données disponibles démontrent qu’en dix ans (voir tableau ci-dessous), les effectifs estudiantins ont été multipliés par 3, alors que le corps enseignant n’a augmenté que de 1,26 %. 2000-2001.

Les effectifs des nouveaux bacheliers se sont élevés à 120.000, avec une augmentation de 45.000 par rapport à l’année précédente, contre seulement 25.000 nouvelles places pédagogiques. Bien qu’ils représentent un taux d’inscription très modeste de 12 % (soit un étudiant pour 70 habitants) contre 20 % aux USA et 30 % en France, ces chiffres demeurent une lourde charge pour l’université dans la mesure où elle ne dispose que de peu de moyens, qui étaient déjà bien en dessous des normes tolérables, et qui n’ont connu aucune amélioration.

Le taux d’encadrement à l’université Il s’est gravement détérioré au cours de la dernière décennie. Ce taux est passé d’un enseignant pour 8,4 étudiants en 1985 à un enseignant pour 212 étudiants en 2000 ! Selon les aveux du ministre de l’Enseignement supérieur, ce taux atteindrait dans certaines spécialités un enseignant pour 600 étudiants lors de la rentrée universitaire 2000-2001 ! (déclaration faite à la presse).

Or, ce taux, selon nos propres calculs, est d’un enseignant pour 300 étudiants, en moyenne, pour la rentrée universitaire 2007-2008. Malgré le recours massif ces dernières années aux enseignants vacataires, de niveau magister, et venant pour la plupart des lycées, ce déficit en matière d’encadrement est bien loin d’être comblé. Par ailleurs, le niveau scientifique de ces nouveaux recrutés est si faible qu’il contribue à porter de graves préjudices à la qualité, déjà bien médiocre, de l’enseignement et de la formation universitaire. Quant aux assistants réputés depuis des années, par les documents officiels, comme un corps en état d’extinction, ils n’ont pas encore entièrement disparu du paysage universitaire.

Constitué d’ingénieurs et de licenciés, ce corps des assistants a décliné de fait au profit des titulaires des magisters, des maîtres assistants et des chargés de cours. Ce corps d’assistants est passé de 5.965 en 1982 à 2.197 en 1999, ce qui pourrait faire croire en une légère amélioration de la prise en charge des travaux pratiques et dirigés. Il n’en est rien cependant. Si ce corps ne répond plus aux conditions de recrutement des établissements d’enseignement supérieur, il reste que le jeu du «copinage» et du «piston» joue dans certains établissements en faveur du maintien de certains de ses membres.

Mais ce corps est en dépit de tout concurrencé de plus en plus par les nouveaux titulaires de magisters dont le niveau de formation est lui-même sujet à caution, tant les mémoires soutenus apparaissent à la lecture comme de simples compilations, et parfois de plagiats d’auteurs divers. Ce qui ne contribue guère à l’amélioration de la qualité de l’enseignement dispensé.

L’entrée en force de ce nouveau corps dans l’arène universitaire s’explique par la stagnation du nombre d’enseignants de rang magistral, et c’est ce qui explique justement que l’encadrement à l’heure actuelle de l’université algérienne est «essentiellement assuré par des titulaires de magister, diplôme obtenu deux années seulement après la licence de quatre années. Ce corps représente 77 % du personnel pédagogique.

Notons que le recul du corps des assistants est dû à l’arrêt des recrutements, tandis que le gonflement de celui des maîtres assistants et des chargés de cours provient de la soutenance de magisters pour les premiers et de la promotion interne pour les seconds.» Le classement des universités algériennes au plan national et international Pour situer la place relativement exacte qu’occupent les universités algériennes dans le classement international, il convient tout d’abord de préciser les critères à partir desquels procède l’ordre de préséance.

Le classement, selon le mérite ou la performance d’une entreprise (l’université étant associée ici à une entreprise quelconque), s’effectue sur la base d’un certain nombre de paramètres parmi lesquels figurent, en l’occurrence : - la qualité de l’encadrement et des enseignements dispensés ; - le nombre et la qualité des publications scientifiques (ouvrages et articles produits) ; - le nombre d’articles scientifiques indexés par les institutions spécialisées : Institut de l’information scientifique (ISI), citations scientifiques élargies (Sci-expended), l’index des sciences sociales (SSCI), etc.

En nous fondant sur une étude statistique relativement solide, effectuée par le Centre de recherches statistiques en économie, recherche sociale et formation pour les pays islamiques à Ankara (SESRTCIC), publiée en avril 2007, il en ressort que l’Algérie apparaît dans le classement académique des pays de l’Organisation de la Conférence islamique (OCI) comme l’un des parents pauvres de la recherche scientifique.

Pour évaluer les universités des pays de l’OCI entre elles, mesurer les écarts qui les séparent et déterminer la performance académique de chacune d’elles, l’étude en question a pris comme critères d’évaluation et de classement les articles publiés par chaque université de l’espace OCI au cours des années 2004-2006. Il en ressort que sur les 9.760 universités répertoriés dans le monde par l’Unesco, on compte 1.460 réparties dans l’espace OCI, mais 1.799 universités d’après le site Web du SESRTCIC.

«Sur la base du critère de publication d’articles scientifiques indexés sur le plan international pris comme facteur unique de classement, on ne compte que 323 universités ayant publié des articles sur les 1.799 que comptent les pays de l’OCI.»(2) Au palmarès des vingt premières universités des pays de l’OCI, figurent 18 asiatiques et seulement deux universités arabes : l’Egypte et le Koweït. Parmi ces 18 universités d’Asie, on relève 14 turques, 3 iraniennes et une malaisienne. Ainsi sur la base de ces critères de classement, la Turquie se révèle au premier rang, puisque ses établissements ont produit durant la période envisagée 43.630 articles avec une moyenne de 623,3 articles par établissement de recherche.

Au niveau maghrébin, l’Algérie se classe première en ce qui concerne le nombre absolu d’articles (1.682) contre 1.490 pour la Tunisie et 807 pour le Maroc. Dans cette comparaison, l’Algérie figure cependant, si l’on envisage le nombre moyen d’articles publiés par université, en troisième position derrière la Tunisie et le Maroc : 93,4 articles par université en Algérie contre 165,6 pour la Tunisie et 115,3 articles pour le Maroc. L’Algérie est suivie par la Libye et la Mauritanie avec respectivement 69 et 25 articles par université.

A ce mode de classement fondé sur le critère du nombre d’articles publiés, s’ajoute un autre, basé sur le nombre d’occurrences où l’article est cité. Ce mode de signalement est d’autant plus intéressant qu’il constitue un bon indicateur de la valeur scientifique de l’article publié. Appliqué au cas de l’université indonésienne, cet indicateur révèle qu’aux 25 articles produits par celle-ci correspondent 8.000 citations. Vient derrière celle-ci, l’université des Sciences et de la Technologie du Yamen qui, avec un seul article publié, engrange 5.000 citations !

Outre les modes de classement par ordre de mérite ou de préséance indiqués ci-dessus, il en est un troisième utilisé par l’enquête du SESRTCIC : il s’agit d’un mode d’évaluation de l’excellence fondé sur un indice composite, englobant une batterie d’indicateurs, tels que la qualité de l’enseignement, le volume de la recherche et son taux de croissance ainsi que le rayonnement régional et international de chacune des universités concernées.

Suivant cette méthode, il en résulte que les tops des 20 premières universités qualifiées de performantes, on identifie sept iraniennes, cinq turques, deux égyptiennes, deux malaisiennes, une pakistanaise, une émiratie, celle d’El Aïn, une koweitienne, et une libanaise : l’université américaine de Beyrouth.

En chiffres absolus et en taux, mais aussi en performance, les pays musulmans de l’Asie se taillent la part du lion. Au top des cinquante universités classées dans l’ordre de mérite, 82 % sont asiatiques contre 16 % seulement arabes et 2 % africaines. Parmi les 85 universités qui figurent dans le top, quarante-sept sont turques (55,3 %), dix iraniennes (11,8 %), et sept égyptiennes (9,4 %). Revenons maintenant au paysage universitaire maghrébin.

Comparé à celui de l’Asie musulmane et même à celui de l’Egypte, il paraît bien pâle. Et l’Algérie, confrontée à ses voisins, fait sans conteste piètre figure comme en témoigne sa position dans le champ de la recherche et des publications. La première université classée par l’OCI n’est pas algérienne, mais marocaine: université El Kadi Ayad de Marrakech (57e), suivie par l’université tunisienne de Monastir (74e). Sur les 58 établissements d’enseignement et de recherche dont dispose l’Algérie, seuls dix-huit universités ont été classées au plan national par l’OCI. Comme l’indique le tableau 2 ci-dessous, la première université algérienne classée en termes de publications sur les dix-huit retenues est l’USTHB d’Alger (94e).

Celle-ci n’a publié pendant les années de référence (2004-2006) que 299 articles contre 2.889 produits par l’une des universités turques pendant le même laps de temps. Avec 150 articles publiés annuellement, l’USTHB se réserve donc près du cinquième de la totalité des articles publiés en Algérie ! Quant à l’université de Boumerdès qui abrite de nombreuses filières scientifiques, elle n’a produit durant le même intervalle de temps que 15 articles, soit 7,5 articles par année universitaire.

Classée 18e à l’échelle nationale, cette dernière figure à la 243e place dans le classement OCI, alors qu’elle devrait compter parmi les plus performantes des établissements nationaux, eu égard au type d’enseignement qu’elle dispense (filières scientifiques, techniques, gestion...). Ce qui, par ailleurs, laisse perplexe, c’est l’absence de l’université d’Alger dans ce classement. Naguère réputée pour ses travaux de bonne facture, tant au plan national qu’international, cette université a marqué un net déclin à partir des années quatre-vingt, et c’est ce qui explique qu’elle manque à l’appel.

* Universitaire et chercheur

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Dernier ouvrage paru : Les enfants illégitimes de la République. Les beurs et les figures emblématiques de l’action humanitaire, Paris, Maisonneuve&Larose, 2004. Ouvrage à paraître : Le management. Etudes à l’usage de l’entreprise.

1. L’Algérie au coeur, parrainée par l’ambassade d’Algérie en France, Les Editions du diplomate, Paris, 2005, p.104. . Cf. Hocine Khelfaoui «La recherche scientifique en Algérie : initiatives sociales et pesanteurs institutionnelles» in Ahmed Mahiou et Jean-Robert Henry (dir) Où va l’Algérie, Paris, Karthala-Iremam, 2001, p.310-311. 2. Lire l’article du professeur Mostéfa KHIATI «Nos universités sont-elles encore performantes ?» in El Watan, 3/4 août 2007, p.12.

Synthèse de l'article - Equipe Algerie-Monde.com

D'apres Le Quotidien d'Oran (www.lequotidien-oran.com). Par Ahmed Rouadjia *. Le 19 octobre 2008.

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