Algérie - Du bon usage des «forces vives de la nation»
A Mostaganem, après l'assassinat d'un enseignant universitaire, l'enterrement, les condoléances, le deuil et les autocritiques, il y a eu un constat : le populisme tue. Lequel ? Celui de la connivence.
Dans les universités algériennes, tout le monde le sait : l'Administration universitaire craint, séduit, courtise ou se soucie plus des étudiants capables de mouvements de masse, en vrac, que des enseignants qui restent une minorité de par le nombre, mais aussi de par le poids manquant du clerc dans l'histoire de la révolution algérienne.
Lorsqu'un étudiant agresse un enseignant, on demande parfois à l'enseignant de passer l'éponge, et pas seulement sur le tableau : tout est fait pour «sauver la paix sociale», expliquera au chroniqueur un des concernés.
Après des rapports tendus de séduction, d'embrigadement ou de répression durant les années 70, «l'Etat» garde le souvenir de la nécessité de garder à l'oeil les «masses estudiantines», force vive de la nation mais aussi source de vives tensions. D'où ce rapport clientélisé, tendu ou pas, facturé ou réduit à l'alimentaire entre certains syndicats d'étudiants et des administrations universitaires.
L'agression d'un enseignant, l'enjeu pédagogique, le sens des études universitaires dans un pays qui s'en passe ou la réinvention du Windows ne pèsent pas devant l'autre très grande mécanique de dépendance mutuelle : si le repas des restos U est encore indexé à l'indice du socialisme avec 1,20 DA, le «plat», c'est aussi pour une raison autre que celle de l'égalitarisme ou du soutien au Savoir. C'est dans les rangs de quelques turbulents étudiants, et dans les rangs des syndicats d'étudiants que l'on recrute le mieux les «leaders» embrigadés pour meubler la reproduction des partis politiques agréés et «corrects».
C'est dans ce vivier de la nation que l'on puise pour les comités de soutien, pour remplir les bus des bains de foule et c'est «là» que l'on plonge la louche pour les opérations de propagande, les manipulations, les achats de voix ou les effets de rues et de foules. L'utilité des «forces vives» est connue depuis longtemps par certains régimes et son usage conduit souvent au déboisement pédagogique, aux rapports de complicité outrageant, à l'exclusion de l'enseignant comme Pouvoir et Savoir.
Et c'est cette complicité «politique» qui fait que l'enseignant s'écrase, se convertit en marchand de notes, se tait ou recule comme institution devant les impératifs de la «paix sociale» et du bon usage des foules et des syndicats. Arrivera un jour le drame, mais il ne permettra jamais de remettre en cause ce lien de copinage consacré.
Synthèse de l'article - Equipe Algerie-Monde.com
D'apres Le Quotidien d'Oran. ( www.lequotidien-oran.com). Par Kamel Daoud. Le 22 octobre 2008.
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