Algérie - L'affreux cerveau des gens d'un seul livre
Etrange épopée du livre en Algérie. Dans un pays où le taux de lecture avoisine celui de l'usage des antennes classiques sur les toits des maisons à l'époque des satellites, le livre n'a pas encore de politique, mais il en fait. Et plus qu'un parti d'opposition ou de consentement.
C'est à cause de fautes dans le livre (le manuel scolaire), que les anciens de la guerre se sont réveillés et ont repris le maquis comme ils ne l'ont pas fait à l'époque du vote de la loi positivant la colonisation, ou après les déclarations d'Aussaresse expliquant minutieusement comment il a tué Ben M'hidi.
A la fin, ce sont deux inspecteurs qui ont été inculpés et des milliers de livres ont été retirés et corrigés. C'est à cause d'un livre aussi, que Benchicou est revenu à la vie. Et deux fois de suite, après sa mort. L'an dernier, mais aussi cette année, pour réussir à vendre son livre avant de l'imprimer et à faire parler de son ouvrage avant qu'il ne soit lu.
C'est à cause d'un livre aussi, que le directeur de la Bibliothèque nationale a été limogé, le premier jour du Salon international du livre, après d'immenses services rendus au livre et à ceux qui l'écrivent et de tristes explications fournies à l'adresse de ce qui ne l'écrivent pas mais le lisent avec soupçon.
Sans politique mais faisant avec, ou dedans, les livres ont fait l'histoire même s'ils ne la racontent pas exclusivement. Pour encourager l'islamisme alternatif et stabilisateur, le livre était vendu au prix des épingles à cheveux durant trois décennies, disent des gens amers. Ils disent aussi que le livre est vendu deux fois le kilo de la viande à l'époque où on doit encourager en principe la démocratie, ou au moins la raison, ou au moins la tolérance ou au moins l'amour, pas le maquis.
Curieusement aussi, cela se passe sous le règne d'un Président qui aime lire et qui le dit. Et qui n'aime pas certains écrivains et il le dit avec les yeux. Est-il possible d'avoir de bons livres avec des écrivains qui n'existeraient pas ou tellement peu qu'ils ressembleraient aux maires de l'Algérie ? Genre les Mille et une nuits ou la Constitution, deux ouvrages écrits par le peuple et par personne ? C'est un rêve.
Dans tous les cas, il y a une règle universelle que certains ont déchiffré : les gens d'un seul livre sont toujours des gens intolérants même s'ils disent qu'ils aiment lire. Que ce livre soit un livre sacré ou une Constitution amendée.
Synthèse de l'article - Equipe Algerie-Monde.com
D'apres Le Quotidien d'Oran. www.lequotidien-oran.com. Par Kamel Daoud. Le 29 octobre 2008.
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