USA - Guantanamo: Six Algériens empêchés d'assister à leur procès
«C'est honteux !» s'est exclamé Maître Mustapha Farouk Ksentini, président de la Commission nationale consultative de la protection et de la promotion des droits de l'homme (CNCPPDH), en réaction à l'ouverture jeudi prochain devant la Cour fédérale du procès de six Algériens détenus à Guantanamo sans leur présence et sans celle de leurs témoins.
Détenus illégalement depuis sept ans dans la prison de Guantanamo (Cuba), six Algériens de nationalité bosniaque ont enfin la possibilité d'avoir à partir de jeudi prochain, un procès devant une institution judiciaire légale même si celle-ci n'est autre que la Cour fédérale américaine avec à sa tête le juge Leon donné pour être proche du camp républicain, famille politique de George Walker Bush, le président des Etats-Unis encore pour ces dernières heures.
C'est l'Agence France-Presse (AFP) qui a donné hier l'information dans les détails. C'est ainsi qu'on sait qu'il s'agit de Lakhdar Boumediene, 42 ans, Mustapha Aït Idir, 38 ans, Mohamed Nechla, 40 ans, Hadji Boudella, 43 ans, Belkacem Bensayah, 46 ans, et Saber Lahmar, 39 ans.
C'est en juin dernier que ces détenus ont demandé à la Cour suprême le droit de bénéficier de la procédure de contestation de leur détention sur la base du principe fondateur du droit anglo-saxon connu sous l'appellation « habeas corpus ».
« Il ne s'agit pas d'un procès sur l'innocence ou la culpabilité de ces hommes mais de vérifier si le président peut légalement décider qu'il a une base suffisante pour détenir ces hommes », a affirmé à l'AFP un des avocats de la défense, Robert Kirsch. Pis, les six Bosniaques d'origine algérienne n'auront pas le droit d'être présents au cours de ces audiences.
Il est noté pour comble du ridicule que le juge américain leur a concédé une liaison téléphonique « lorsque l'audience sera publique ». Tandis que le gouvernement américain aura la possibilité et le droit de recourir à des preuves indirectes recueillies auprès de témoins qui, comme les accusés, n'auront pas le droit de venir les confirmer à la barre.
« C'est donc un procès théorique et non pas réel », nous a dit hier Maître Farouk Ksentini, président de la Commission nationale consultative de la protection et de la promotion des droits de l'homme (CNCPPDH). Me Ksentini expliquera que la procédure « habeas corpus » est pour prouver que l'intégrité du corps a été respectée ou pas, qu'il y a eu ou pas recours à la torture, à d'autres mauvais traitements.
Il tient à souligner que priver les détenus de leur droit d'être présents durant le procès est « une dernière infamie par laquelle le président Bush a voulu clore son mandat ». Tout en rappelant que le dossier de ces détenus « est vide et il a toujours été vide », Me Ksentini s'est exclamé sur un ton rempli d'amertume notamment après avoir su que le juge à la Cour fédérale est proche des républicains : « C'est ridicule ! C'est un simulacre de procès. C'est grotesque ! »
«Je suis consterné par ce procédé !»
« Les Américains font avec les détenus de Guantanamo comme ils ont fait avec Saddam Hussein, ils l'ont fait juger par ses ennemis politiques, on le livre à une exécution, on est très loin des droits de l'homme ! », a souligné Me Ksentini. Notre interlocuteur avoue être outré et choqué par de tels agissements.
« Je suis consterné par ce procédé, il n'y a pas de précédent dans l'histoire de la justice et des Etats ! ». A propos de ce que pourrait faire l'Algérie dans ce genre d'atteinte aux droits de ses ressortissants, Maître Ksentini indique que « l'Algérie pourrait leur désigner des avocats pour assurer leur défense mais il faut que les détenus eux-mêmes le demandent et l'acceptent ».
Il explique que « c'est à eux seuls que revient le droit de choisir les voies de recours ». Me Ksentini persiste et signe : « C'est honteux pour les Américains ! C'est difficile de descendre plus bas. » Les six Algériens sont les premiers détenus parmi une vingtaine d'autres bénéficiant de la procédure « habeas corpus » à voir leur détention examinée par la Cour fédérale de Washington, une justice civile, sur un total de près de 250 détenus encore à Guantanamo.
Il est noté que ces détenus étaient tous passés auparavant devant un tribunal militaire qui les a déclarés « combattants ennemis », un identifiant ridicule qui a permis à l'administration Bush de les tenir prisonniers au vu et au su de la communauté internationale, sans procès, sans jugement, sans preuves ni témoins et durant de longues années.
Les avocats de la défense sont très pessimistes quant à l'issue qui sera donnée à ce procès. « Le gouvernement a tous ces avocats, ses agences de renseignements, nous sommes un grand cabinet mais nous ne sommes rien face au gouvernement des Etats-Unis », a déclaré à l'AFP Stephen Oleskey, un des avocats de la défense.
«C'est de la torture !»
C'est en 2001 que les six Algériens ont été interpellés par les autorités bosniaques à la demande de l'ambassade américaine, comme précisé par leurs avocats. Soupçonnés de fomenter à l'époque un attentat contre l'ambassade des Etats-Unis à Sarajevo, là où ils résidaient, les six Algériens ont fait l'objet d'une enquête qui a duré trois mois.
Comme aucune preuve n'a été trouvée contre eux, ils devaient être relâchés mais les Etats-Unis les avaient réclamés comme « présumés terroristes ». C'est Bush en personne qui avait annoncé en 2002 à la face du monde que ces Algériens étaient dans une cellule terroriste qui évoluait en Bosnie.
Enfermés depuis sept longues années à Guantanamo, ces Algériens ont aujourd'hui de nouvelles charges qui pèsent sur eux. L'Amérique de Bush a pris le soin pour bien les monter. Belkacem Bensayah est accusé « d'avoir eu des communications téléphoniques avec un membre d'Al-Qaïda en Afghanistan », mais, dit Me Kirsch, un des avocats de la défense, « il n'y a jamais aucune preuve et s'il y en a, la défense n'en a jamais eu connaissance ».
Les cinq autres envisageaient selon l'administration Bush de partir en Afghanistan combattre les Etats-Unis « mais il n'y a aucune allégation qu'ils aient acheté le moindre billet d'avion », a-t-il précisé. Le gouvernement américain ne manque pas, pour compléter les charges qu'il a confectionnées contre les six Algériens de noter qu'ils ont des liens avec le GIA. « Sans fondements », disent leurs avocats. Il est souligné que Lakhdar Boumediene est souffrant après avoir entamé une grève de la faim depuis décembre 2006.
« Il est maintenu deux fois par jour sur une chaise, attaché à sept endroits avec un masque sur la bouche et on lui introduit par le nez un tuyau qui nourrit son estomac de liquide protéine. Une de ses narines a cédé, ils utilisent l'autre, parfois le tuyau va vers le poumon et non l'estomac, c'est de la torture », a déploré Me Stephen Oleskey.
Interrogé sur les élections américaines, Maître Ksentini a estimé que « ça va faire basculer les Etats-Unis vers une démocratisation plus réelle, une ouverture d'esprit, une modernisation qu'ils n'ont pas ». Il est persuadé que ces élections sont les prémices d'un nouvel ordre mondial. « Sur le plan mental, les Américains deviendraient plus fraternels », a-t-il affirmé.
Synthèse de l'article - Equipe Algerie-Monde.com
D'apres Le Quotidien d'Oran. www.lequotidien-oran.com. Par Ghania Oukazi. Le 6 Novembre 2008.
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