Algérie - L'affaire de la viande porcine jugée en appel: Détails sur un procès pas comme les autres
Le verdict de l'affaire dite « de la viande porcine », mettant aux prises la société chinoise CSCEC avec un fournisseur algérien, a été mis en délibéré pour le 29 novembre par la Cour d'appel d'Oran. Enfoncé dans son siège, discret tout au long du procès, le représentant du ministère public s'est contenté de requérir, d'une voix à peine audible, « l'application de la loi ».
Le tribunal, qui a accordé à ce dossier un volume horaire amplement suffisant, s'est donné du temps pour s'y prononcer. Il faut dire que l'affaire n'est guère une sinécure, d'autant que des arguments nouveaux ont été mis en avant, de part et d'autre, au cours de l'audience, et de nouvelles pièces sont venues épaissir ce dossier déjà gras.
La présence d'un interprète, cette fois-ci, a beaucoup aidé les Chinois, Luan Hengzhong, le DG de l'agence en Algérie de la Société nationale des travaux de construction de Chine (CSCEC), et son conseiller-interprète, qui avaient déploré un problème de communication lors du procès tenu, le 11 mars 2008, devant le tribunal correctionnel de premier ressort d'Oran (Es-Seddikia).
Procès qui s'était soldé par la relaxe du fournisseur algérien, sorti alors lavé de tout soupçon de l'accusation « faux et usage de faux en écriture comptable ». Huit mois après, le gérant de la Sarl BVL Company devait comparaître à nouveau devant la justice, suite au double appel interjeté par le parquet et la partie civile.
Par pudeur et décence, sans doute, pas une seule fois le mot « viande porcine » n'a été prononcé par personne, à l'audience. Tout le monde, y compris les Chinois, employait le terme « marchandise », ou « produit » parfois, pour parler de la viande interdite par l'Islam mais dont le commerce n'est pas prohibé par la loi mais est soumis à une réglementation rigoureusement définie.
En vertu d'un contrat conclu entre les deux partenaires, en 2000, et reconduit jusqu'à 2005, l'opérateur en agroalimentaire, SARL BVL Company, approvisionnait, à titre exclusif, la CSCEC en viande porcine congelée en carton, importée d'Espagne, et ce, pour les besoins alimentaires de la base de vie de cette société chinoise, établie à l'USTO (Oran) et qui fait également office de centre de commande des différents chantiers de BTP menés par la compagnie chinoise à travers l'Ouest algérien, laquelle a à son actif des dizaines de projets en Algérie, dont le nouvel hôpital d'Oran, le Sheraton d'Oran, des milliers de logements (AADL, LSP...) ainsi que des dizaines de cités universitaires à travers l'Ouest, sans compter les projets en cours d'achèvement ou prochainement lancés.
Tout allait bien entre les deux partenaires jusqu'à ce jour du mois de mai 2005 quand les Chinois se sont présentés comme d'habitude à la banque BNA, à Oran, pour procéder à un retrait d'argent, mais ont été surpris d'apprendre que leur compte avait été bloqué et un prélèvement de 4 millions de DA y avait été opéré au profit de leur fournisseur BVL Company en vertu d'une injonction à payer décernée par le tribunal d'Oran, début mai 2005.
En effet, se prévalant de factures impayées et de PV de réception de la marchandise ainsi qu'un avis de payement envoyé à CSCEC par voie de huissier, le fournisseur a pu obtenir une décision de justice en sa faveur (une injonction à payer conformément à l'article 174 du Code de procédure pénale) lui permettant de recouvrer sa créance présumée auprès de son client, la société chinoise.
Quatre mois plus tard, le 18 septembre, la société chinoise fera l'objet d'une deuxième injonction à payer d'un montant de 2,9 millions de DA pour la même SARL BVL Company. Le 21 mars 2006, les Chinois déposent une plainte devant la justice contre le fournisseur, l'accusant de falsification de pièces comptables, à savoir des bons de réception, en gonflant la quantité livrée et le montant et en imitant la signature des responsables de la société chinoise.
Dans la même déposition, ils ont accusé de complicité et d'abus de confiance un ancien employé et qui, par la suite, a rejoint la SARL BVL Company, d'avoir volé des imprimés de documents comptables de la CSCEC et son cachet humide.
Ce dernier sera cependant mis hors de cause par le juge d'instruction qui l'a auditionné en qualité de témoin. Selon la partie plaignante, «il y a au moins deux PV de réception qui sont faux, ceux datés du 17 mars 2004 et du 18 septembre 2004, qui font état de livraison de, respectivement, 48 tonnes et 24 tonnes de viande porcine». Hier, le premier responsable en Algérie de CSCEC a confirmé que «nous n'avons jamais commandé ni réceptionné les quantités prétendues par le fournisseur.
Ce sont de faux PV de réception», a-t-il insisté, criant à «l'arnaque». Son avocat a réitéré sa demande au tribunal de requérir une «enquête complémentaire» avec, à la clé, une expertise pour vérifier l'authenticité des signatures figurant sur les documents comptables présentés par le fournisseur, «la pierre angulaire» de tout le dossier selon lui. Pour étayer ses dires, il a attiré l'attention du juge sur les incohérences entre les bons de commande en question et le registre d'entrée-sortie des magasins de froid de Mostaganem Mag Mos, d'où s'était approvisionné la société chinoise en viande congelée.
Pour sa part, l'avocat de la défense a carrément ironisé sur le prétexte avancé par les Chinois pour justifier le fait qu'ils n'aient pas donné suite à la lettre de notification que leur a envoyée leur créancier par voie de huissier, allant jusqu'à dénoncer « la connivence de responsables des services postaux » qui ont délivré une « fausse attestation » aux Chinois. Il a accusé les Chinois d'avoir monté cette histoire de toutes pièces, pour se soustraire de payer leurs redevances. Au titre des réparations, la partie civile a demandé la restitution du montant de 4 millions de DA, plus 2 millions de DA de dédommagement.
Synthèse de l'article - Equipe Algerie-Monde.com
D'apres Le Quotidien d'Oran. www.lequotidien-oran.com. Par H. Saaïdia. Le 10 Novembre 2008.