Algérie - Les experts du CNES critiqués
Plusieurs intervenants n'ont pas hésité à apporter la contradiction à Abdelmadjid Bouzidi en bouleversant l'ordre des choses qu'il a établi par sa mise entre parenthèses de l'état réel de l'économie nationale.
Rédha Hamiani, président du FCE, a été le premier à le faire. Il a reproché aux experts du CNES d'avoir dressé « le monde de l'entreprise à la façon de tout le monde : il est beau, tout le monde il est gentil.
«La croissance, selon lui, n'est pas réelle « parce que portée par des éléments exogènes et non par l'entreprise. Le marché dans sa partie de production n'a pas été associé ». Il avertit : « Attention à ce genre de performances ! ». Quand bien même c'est le cas d'une croissance soutenue, Hamiani fait remarquer qu'« avec un budget d'équipement aussi important, on aurait pu faire mieux ».
Et pour lui, «quand on voit la part de l'industrie et la part des importations dans l'économie nationale, on a tout compris dans ce pays. Et la tendance est haussière !». Il pense que le plus grave, « c'est la dévitalisation de notre pays ». Le taux de chômage avancé par les experts le laisse dire que « pour gagner trois points en une année, il faut le faire, mais on ne va pas chipoter sur ces détails... ».
Un représentant du secteur des assurances qualifiera le contenu du document « d'une présentation à droite ». Pour lui, « s'il y a un quart d'investissement et 75% de consommation, c'est qu'il n'y a pas eu d'efforts particuliers et qu'on n'a pas interpellé les acteurs ».
Pour lui, « le développement, c'est se surpasser en organisation pour être capable de produire. Les banques ont beaucoup à faire dans ce sens, il faut permettre au secteur public d'en être le moteur ».
Mustapha Mekidèche, en tant que vice-président du CNES, tentera de rééquilibrer les choses en notant que « le PIB en Algérie est le 2e en Afrique, après celui de l'Afrique du Sud, et le 2e dans le monde arabe, après celui de l'Arabie Saoudite ».
Ce qui le laisse dire qu'« il n'y a pas de raison de s'autoflageller tout le temps ». Mais, reconnaît-il, quand même « ceci étant dit, il y a de gros retards ».
Les éléments apportés par le CNES sur la situation d'excès de liquidité ne sont pas approuvés par tout le monde.
Présents à El-Mithak, des spécialistes de la finance ont rebondi sur l'appréciation contenue dans le document pour souligner que « dans la finance, la règle internationale est de travailler avec l'argent des autres, en recourant à des crédits de moyen et long terme.
Mais en l'absence de stratégie et de vision claire, l'Algérie ne peut pas se le permettre. Des étrangers viennent lever des capitaux chez elle mais elle, elle ne peut le faire, elle est certes solvable mais pas crédible parce qu'elle change sa réglementation au gré des humeurs ».
L'observateur fait remarquer que « après le tout-Etat, le tout-marché, c'est le tout-étranger ».
Le président de la CACI a été le seul à rappeler l'existence d'une stratégie industrielle chère à Temmar.
Mais juste pour s'interroger : «Est-il possible de constituer 13 pôles industriels en injectant de l'argent dans un secteur public en difficulté ? ».
Nacerdine Hamouda, statisticien, chercheur au CREAD, estime que « la lecture du rapport est un peu trop lisse, un peu classique ».
Pour lui, « l'analyse critique de notre économie implique de mettre en relation un certain nombre d'agrégats pour savoir si leur fonctionnement est efficace ». Le nombre d'agrégats présentés pose, selon lui, « réellement problème en terme de fiabilité et de méthodologie appliquée. Par exemple, on continue de confondre indice des prix avec inflation, mais surtout que les indices affichés ont été calculés sur un référent de l'année 1989».
Sid Ali Boukrami, commissaire à la planification, explique à ce sujet que « c'est sûr qu'il y a un problème de mesure qui se pose en terme de données, mais aussi en terme de conception ».
Il fait savoir qu'il existe quatre commissions qui travaillent depuis longtemps sur les indices de 1989 et qui devront rendre leurs conclusions d'ici à la fin du mois de décembre ». Un travail qui, dit-il, devra être approuvé par le Conseil national de la statistique.
Mohamed Bahloul, directeur de l'Institut des ressources humaines d'Oran, précisera davantage l'antithèse du travail qui a été faite par le CNES.
«C'est un rapport qui fait le point sur les réalisations de l'économie par la politique budgétaire, on ne voit pas les réalisations de l'économie par les forces du marché, c'est ce qui manque le plus ».
Il faut peut-être contrebalancer l'analyse sur les questions liées à l'émergence des forces du marché, peut-être que l'échec est là parce qu'une économie performante est tirée d'abord par les forces du marché.
Il fait savoir qu'il y a deux marchés, celui public financé par le budget et il y a le marché informel complètement incontrôlé, et qui ne permet pas l'émergence d'une structure compétitive de l'économie algérienne. Le débat doit tourner autour de cela.
Le paiement de la dette par anticipation et la non-utilisation de l'argent dans l'investissement pose, selon Bahloul, « toute la problématique de la très faible compétitivité structurelle de l'économie algérienne et notamment dans sa capacité à absorber les ressources et à les transformer en croissance. Nous avons un problème classique d'économie politique qui est celui de transformer la richesse en capital ». Il explique encore qu'« il manque des institutions et des agents du marché : ce sont les deux leviers qui nous manquent le plus parce qu'on n'a pas fait les réformes nécessaires.
On a fait beaucoup de réformes de structures mais on n'a jamais encore entamé des réformes de mode de gestion et de mode de gouvernance ». Il conclut : « C'est ce qui permettra au pouvoir managérial d'émerger, à des managers publics et privés sérieux et compétents d'émerger, c'est-à-dire une classe d'entrepreneurs solide qui négocie avec le pouvoir politique sa place et sa fonction dans la division interne et internationale du travail.
Synthèse de l'article - Equipe Algerie-Monde.com
D'apres Le Quotidien d'Oran. www.quotidien-oran.com. Par Ghania Oukazi. Le 11 Novembre 2008.