Algérie - Maroc: Le patron du FMI fait de la politique
A la première halte de son périple maghrébin, le directeur général du FMI a lancé un message éminemment politique, celui de voir l'Algérie et le Maroc régler leur différend.
C'est en effet à Tripoli que Dominique Strauss-Kahn a lâché sa sentence à propos de l'animosité qui règne dans la région du Maghreb.
«Il faut avancer dans l'intégration économique comme s'il n'y avait pas de problème politique et il faut par ailleurs traiter les problèmes politiques comme s'il n'y avait pas de difficultés économiques», a-t-il recommandé. Pour être plus clair, il a ajouté «les problèmes politiques rendent les choses plus difficiles.»
Ainsi, Strauss-Kahn a de suite souligné ce qui dérange dans le Maghreb, à savoir la mésentente entre l'Algérie et le Maroc que les Occidentaux lient étroitement à l'existence du conflit sahraoui. «Faux !», disent les politiques algériens. «La position de l'Algérie vis-à-vis de ce conflit s'inscrit en droite ligne avec celle des Nations unies et des résolutions de son Conseil de sécurité.
Elle s'aligne donc sur la légalité internationale et estime que c'est une question de décolonisation.» Le Maroc parle lui de respect de son intégrité territoriale à propos d'un territoire - et les commissions onusiennes des droits de l'Homme en témoignent - où ses services exercent les pires violations des droits humains. A entendre le directeur général du FMI dire que les problèmes politiques rendent la chose économique difficile, l'on entrevoit un penchant vers un pays - le Maroc - dont le roi a pratiquement tenu le même discours il y a à peine quelques jours. Mohammed VI s'en est pris violemment à l'Algérie l'accusant de garder fermées ses frontières et refusant ainsi de laisser la construction du Maghreb se faire.
Ce que le roi n'a pas rappelé dans son discours, c'est que la décision de la fermeture des frontières entre les deux pays a été provoquée par les déclarations irresponsables de ses politiques après l'attentat de Marrakech en 1994. Pour rappel, après les récentes accusations de Mohammed VI, Alger a répondu par la voix de son ministre d'Etat, ministre de l'Intérieur et des Collectivités locales qui a souligné que l'ouverture des frontières entre les deux pays n'était pas à l'ordre du jour et n'avait aucun lien avec le conflit sahraoui. Le secrétaire général du FLN, Abdelaziz Belkhadem, avait lui aussi abondé dans le même sens.
Pour l'Algérie, l'ouverture des frontières ne pourrait se faire que sur la base de sérieux engagements de la part de Rabat d'instaurer des points de contrôle strict au niveau de tous les passages de sorte à faire barrage à la contrebande et au crime organisé.
Il est utile de noter qu'au-delà, le conflit sahraoui a fait et continue de faire l'objet de surenchères entre les capitales occidentales notamment Paris et Washington dont les responsables sont loin de replacer les choses à leur niveau et refusent de surcroît de se plier à la légalité internationale pour sa résolution définitive.
A Tripoli, le directeur général du FMI n'en est d'ailleurs pas resté à relever uniquement les difficultés qui empêchent la construction de l'Union du Maghreb arabe (UMA) mais il a pris l'exemple de l'Union européenne pour noter que cette construction n'est pas impossible.
Et bien que la comparaison est très exagérée, il expliquera : «Mais l'Union européenne s'est faite avec des pays qui avaient fait la guerre longtemps, notamment la France et l'Allemagne, et qui ont dépassé leurs différends politiques pour construire leur bien-être économique collectif.» Pour lui, «il faut que l'Algérie et le Maroc soient capables de dépasser la question des conflits pour avancer dans l'intégration économique.» Il y a, a-t-il dit, «beaucoup à faire mais cette intégration pourrait se faire petit à petit pour permettre la création d'une grande puissance économique.»
L'AFP rapporte aussi qu'il a insisté sur la nécessité d'accélérer l'intégration commerciale et la création d'un instrument financier à l'échelle du Maghreb. Et qu'il n'a pas manqué d'interpeller les politiques des pays de la région pour associer le privé aux projets d'intégration, à la simplification du cadre juridique et à l'accélération de la réalisation de projets d'infrastructures, en particulier une autoroute transmaghrébine «dont on a parlé longtemps mais qui n'avance pas beaucoup.»
Strauss-Kahn a relevé à propos des effets de la crise financière sur les pays du Maghreb que «leurs économies sont peu ouvertes à l'économie financière donc ils sont à l'abri des conséquences directes mais pas à l'abri des conséquences économiques générales.» La visite du DG du FMI à Tripoli avait coïncidé avec la tenue d'une conférence sur «l'intégration régionale et la promotion des projets communs dans les pays du Maghreb arabe». Il devait se rendre le même jour à Tunis et à Alger. Dernière étape, Rabat, où Strauss-Kahn bouclera sa brève visite dans la région.
Synthèse de l'article - Equipe Algerie-Monde.com
D'apres Le Quotidien d'Oran. www.lequotidien-oran.com. Par Ghania Oukazi. Le 19 Novembre 2008.