Algérie - La théorie du peuple dépeuplé
Que peut faire une limace mariée de force à un cadenas ? Rien. Ou si peu. C'est la réponse des minorités opposantes algériennes tombées sous la coupe de la monogamie présidentielle annoncée. Pour changer les choses, et c'est connu, il faut une idée, un peuple et des meneurs. Quand le peuple est assis, l'idée myope et les meneurs terrorisés, il ne se passe rien.
Le peuple est alors marié de force.
Mais malgré cela, il faut toujours un prétexte légal, une raison ou un mythe pour faire passer le viol aux honneurs d'une histoire d'amour. Chez nous, l'un des arguments les plus usités est celui de l'homme Unique. Ainsi, il est dit un peu partout dans le pays : « C'est le seul.
Voyez-vous quelqu'un d'autre que lui ? ».
Le peuple ou les gens encore intéressés par leur sort regardent alors à gauche, à droite et ne trouvent personne qui demande leur main en leur coupant les pieds. Et c'est tout à fait vrai : lorsqu'un régime produit du désert, il produit généralement le vide qui va avec. Du coup, en plein Sahara, entre deux dunes, quatre fennecs et deux ergs rognés par les vents, le peuple finit par s'en convaincre ; « si ce n'est pas Lui, c'est le vide ». Ou le chaos. Ou la catastrophe.
L'une des fonctions des régimes clos est, en effet, de tuer les oeufs et de ne laisser émerger aucune figure alternative. On ne tue plus les opposants sérieux : on ne les laisse pas naître. Chez nous, cela a fonctionné comme une stérilisation par épandage aérien : on a fait en sorte que personne ne dépasse la laine de son propre dos, on a discrédité les opposants au point qu'il n'en reste que leurs appareils et appareils dentaires et on a terrorisé les autres. Ceux qui seraient tentés, intéressés ou se sentiraient un peu appelés n'existent pas. A la fin, l'Algérie a résolu le conflit des générations par un laconisme : la génération suivante n'existe pas.
Le temps ne passe plus par ici. Les nouveaux ne peuvent pas gouverner le pays sans le redonner aux colons.
Que reste-t-il alors : « c'est nous ou l'ogresse qui mange les enfants ». Et du coup, la formule fonctionne à merveille et à double sens. D'abord pour les Occidentaux qui ont peur du chaos et des islamistes et pour les peuples locaux qui ont peur tout court, ou qui sont devenus de grands larbins faute d'épopée héroïque nationale.
A la fin, il ne reste que les zélotes, le peuple et un homme, un seul, à chaque fois unique même s'il est remplacé, supplié pour qu'il prenne la Présidence, indépassable comme horizon et comme candidature, investi d'une intelligence totale et d'une compétence sidérale qui le pousse à fabriquer des sondes spatiales entre deux Oukase. C'est la théorie du peuple dépeuplé.
Synthèse de l'article - Equipe Algerie-Monde.com
D'apres le Quotidien d'Oran. www.lequotidien-oran.com. Par Kamel Daoud. Le 25 Novembre 2008.