Algérie - Un mouton au goût... d'électricité
C'est la fin du mois, Si Saïd vient de sortir de la poste. Il vient d'encaisser son salaire. Ouf! il était temps, l'Aïd El-Kebir est dans quelques jours et presque toute la paie, environ 25.000 dinars, ira à l'achat du mouton et de quelques accessoires indispensables : brasero, broches, charbon et quelques autres petits ustensiles que madame Saïd a exigés.
Et quand madame Saïd exige, cela a valeur de Loi. Tout content, donc, Si Saïd se dirige avec sa petite paie vers une petite zriba qui vient d'ouvrir dans le quartier pour passer la commande du mouton, donnant même au maquignon de circonstance une petite avance, promettant de régler le reste la veille de l'Aïd, le jour où il viendra récupérer la bête du sacrifice.
Plus léger, il rentre chez lui annoncer la bonne nouvelle à madame Saïd et aux petits Saïd et Saïda - il en a cinq tbarikallah - et établir avec son épouse la liste des achats à effectuer. Mais devant la porte de l'immeuble où il habite, il rencontre l'agent de la compagnie de l'électricité et du gaz qui lui remet la facture bimestrielle. Bien avant de voir le montant inscrit sur la facture, son sang était déjà glacé, après avoir fait plusieurs tours dans ses veines. Mais il va quand même y jeter un coup d'oeil.
Mais ô surprise : 25.000 dinars. Du coup, il vit son kebch avec des ailes lui faisant des signes d'adieu, avec un rictus au coin de la gueule. L'oeil bas, le dos voûté, la démarche hésitante, il rentre chez lui, transpirant à grosses gouttes malgré le froid ambiant. Il donna la mauvaise nouvelle à madame Saïd qui eut un haut-le-coeur, des sourcils froncés et toutes griffes dehors : traduction : « Je veux un kebch, débrouille-toi mon gaillard, pas d'excuse !!!!! ».
Dilemme ! Comment faire ? Acheter le mouton et dans 15 jours se voir couper l'électricité ou payer la facture et voir Mme Saïd lui couper la tête ? Il décida de négocier.
Il se rendit à la compagnie d'électricité et essaya d'obtenir un échéancier, puisque la facture était assez salée. Il réussit à l'obtenir, soit 5.000 dinars par mois. Ouf !!! Restait à négocier à la baisse le prix du kebch qui devint agneau puis brebis, puis... perdant cornes, toison, bouzelouf, etc.
Il décida d'emmener sa conquête immédiatement à la maison, bien qu'on était encore à 8 jours de l'Aïd, on ne sait jamais.
Mme Saïd l'accueillit froidement sur le palier, les sourcils plus froncés, les griffes aiguisées et dents aussi. Elle lui lança du coin du rictus : « Mon père m'invite à passer l'Aïd avec lui, dabber rassek avec ton chat !»
Synthèse de l'article - Equipe Algerie-Monde.com
D'apres le Quotidien d'Oran. www.lequotidien-oran.com . Par El-Guellil . Le 2 Decembre 2008.