Ressources en eau de l'Algérie
Il s’agit à la fois d’augmenter la capacité de mobilisation des eaux superficielles par la construction de nouveaux barrages là où les sites s’y prêtent, d’opérer des transferts pour une meilleure répartition de la ressource puisque les précipitations sont à la fois irrégulières et mal réparties.
Qui d’entre nous ne s’en souvient pas ? En 2002, le manque en eau potable en Algérie, particulièrement à Alger, avait atteint un seuil tel qu’un grand nombre d’Algériens, robinets de toutes les salles d’eau ouverts, passaient leurs nuits à guetter le moindre bruit pouvant présager l’arrivée du liquide devenu alors très rare.
Les femmes, particulièrement, ne sont certainement pas près d'oublier les nuits blanches et le bruit des récipients encombrant des espaces déjà exigus.
Les barrages de Keddara et bien d’autres étaient à sec, on l’avait constaté de visu.
Cela pour mesurer les efforts consentis, bien sûr permis par une embellie financière sans précédent, et commencent à peine à porter leurs fruits. Les années qui ont suivi ont aussi été relativement plus généreuses en pluies.
Il est aujourd’hui indéniable que face à l’enveloppe financière allouée au secteur de l’eau, dans le cadre du plan de relance économique, et aux grands projets lancés visant l’accès de tous les citoyens à l’eau potable, l’Algérie érige les ressources en eau en secteur stratégique et en fait une priorité et une préoccupation permanente.
Bien sûr, on est encore loin de l’éradication totale de ces images qui interpellent aujourd’hui encore nos consciences dans certaines bourgades et autres régions reculées où des enfants transportent à longueur de journée des jerricans d’eau sur de longues distances.
Si le dessalement de l’eau de mer constitue une nouvelle option permise par l’aisance financière, il n’en demeure pas moins que, pour lutter contre le manque d’eau la stratégie du secteur repose sur plusieurs autres actions menées simultanément.
Quels sont les grands chantiers ouverts aujourd’hui ?
Il s’agit à la fois d’augmenter la capacité de mobilisation des eaux superficielles par la construction de nouveaux barrages là où les sites s’y prêtent, d’opérer des transferts pour une meilleure répartition de la ressource puisque les précipitations sont à la fois irrégulières et mal réparties, de veiller à une exploitation rationnelle des forages et enfin, et surtout, de réhabiliter les réseaux de distribution dans les grandes villes et agglomérations pour mieux préserver le produit chèrement mobilisé en luttant contre les fuites.
D’aucuns diront que plus préjudiciable que les fuites est le gaspillage qui se pratique intra-muros, permettons-nous l’expression, à l’intérieur des domiciles des abonnés de l’ADE, et ceux de la SEAAL (Société des eaux et de l’assainissement d’Alger) pour ce qui est de la capitale. Bien que le choix du gouvernement semble pour le moment être fait, les avis divergent sur cette question qui suscite bien des polémiques.
Entre ceux qui considèrent que l’eau est un produit à valeur marchande dont il faut absolument faire payer au citoyen le prix réel de sa mobilisation (thèse de la Banque mondiale), et ceux qui tiennent à ce que l’accès à l’eau potable soit considéré comme un droit humain inaliénable, l’Algérie semble avoir opté pour la deuxième position.
Dans une interview qui nous a été accordée la semaine dernière, M. Didier Audebaud, directeur général de la SEAAL, créée dans le cadre du partenariat avec le groupe français Suez Environnement, notre interlocuteur semblait bien étonné du prix de l’eau pratiqué actuellement en Algérie.
Il a, à l’occasion, invité les Algérois à faire un effort pour plus d’économie de l’eau ironisant en disant que «si l’eau est gratuite, il n’y a aucune raison de fermer son robinet».
Pour en revenir aux grands projets actuellement en chantier, une source au ministère des Ressources en eau nous a précisé qu’il s’agit essentiellement «de la mobilisation des ressources en eau dans l’Algérois et l’ouest du pays, de l’aménagement de Béni Haroun dans le Constantinois et les Aurès, des transferts à partir de la nappe albienne, du programme d’urgence de l’eau potable à Alger et du programme du dessalement de l’eau de mer».
Centre, est et ouest du pays : assurer une alimentation régulière
Principal système dans la région du Constantinois et les Aurès, l’aménagement de Beni Haroun permettra de mobiliser, à l’horizon 2008, selon l’objectif du ministère des Ressources en eau, un volume annuel de 504 millions de mètres cubes dont 242 millions de m3 pour l’AEP (alimentation en eau potable). Un volume destiné à quelque 4 620 000 habitants dans les wilayas de Jijel, Mila, Oum El Bouaghi, Batna, Constantine, Aïn M’lila et Khenchela.
Au niveau de l’Algérois, un ensemble de projets devrait donner lieu, progressivement sur une durée de cinq ans, à la mobilisation d’un volume annuel de 595 millions de mètres cubes tout en assurant une alimentation plus régulière.
La part de l’AEP est de 435 millions de m3/an destinés à pas moins de 7 950 000 habitants, celle de l’irrigation est de 160 millions de m3/an pour une superficie de près de 30 000 hectares. Dans la région est du pays, on compte beaucoup sur les retombées du complexe hydraulique Sétif-Hodna pour faire face à tout éventuel épisode de sécheresse par un système de transfert Sétif–Hodna–El Eulma.
Il permettra, selon nos sources, d’assurer pour le côté ouest de la région un volume annuel de 122 millions de m3/an dont 31 millions de m3 pour l’AEP pour près de 566 000 habitants dans la ville de Sétif et les agglomérations avoisinantes ainsi que 91 millions de m3 pour l’irrigation sur une superficie de 13 000 hectares des hautes plaines.
Sur le côté est de la région, et pour la ville d’El Eulma et les agglomérations avoisinantes, ce même système devrait permettre la mobilisation d’un volume annuel de 190,5 millions de m3 dont 38 millions de m3 en AEP pour 694 000 habitants, et 152,5 millions de m3 pour l’irrigation d’une superficie de 30 000 hectares.
Un système similaire dans l’ouest du pays qu’est l’aménagement de Chellif–Keddara et dénommé MAO (transfert Mostaganem-Arzew-Oran), doit assurer 155 millions de m3/an destinés à l’AEP.
Transfert des eaux du Sahara septentrional vers le Nord
La concentration démographique dans le nord du pays appelle à une multiplication des sources d’approvisionnement en eau dont le dessalement de l’eau de mer mais aussi le transfert des eaux du Sahara septentrional.
Pour cette dernière option, des études sont actuellement en cours de réalisation et portent essentiellement sur l’identification des zones aux fortes potentialités en eau permettant de faire des transferts vers le Nord, le coût économique et rentabilité des projets et l’identification des zones à desservir en priorité.
Le dessalement de l’eau de mer
L’option du gouvernement pour le dessalement de l’eau de mer est motivée, nous indique-t-on, par de nombreux avantages dont «la pérennité de la ressource brute, sa disponibilité à proximité des grandes villes et centres industriels, le progrès technologique réalisé dans la recherche de nouveaux procédés rendant le coût du mètre cube de l’eau dessalée de plus en plus compétitif». Une mission qui incombe à l’ADE pour amorcer cette première expérience.
Dans le cadre du programme d’urgence adopté par le gouvernement en 2002, on procède actuellement à l’installation de 23 petites stations de dessalement, mobiles monobloc, d’une capacité totale de 57 500 m3/jour.
Ces stations sont réparties sur sept wilayas côtières. La première station entrée en exploitation a été celle d’Oran à la mi-2005. Quatre autres grandes stations sont également retenues concernant cinq grandes villes connues pour une situation de stress hydrique. Il s’agit des villes d’Alger, Aïn Témouchent, Béjaïa, Annaba, et Ténès.
Par Yasmine Ferroukhi - La Tribune
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