Réforme hospitalière en Algérie
Tout porte à croire que le département de Amar Tou va entrer dans le vif d’un sujet aussi sensible que peut l’être la gestion des soins hospitaliers, qui reste depuis pratiquement une décennie au centre d’une problématique qui appelle l’urgence d’un traitement efficace à la déliquescence du système de santé en Algérie.
Le ministère de la Santé, de la Population et de la Réforme hospitalière compte ainsi lever toute hypothèque sur l’énorme effort financier consenti par l’Etat en lançant d’ores et déjà les pistes d’exploration d’un nouveau mode de gouvernance.
Un mode qui allie sous d’autres cieux où il a été efficacement éprouvé, la rationalité et l’efficacité invariablement tributaires d’une compétence pointue et d’une connaissance approfondie, outre le volet juridique, de la gestion hospitalière et de l’organisation sanitaire.
Dans cette perspective, le ministère de la Santé, de la Population et de la Réforme hospitalière a décidé de faire appel au savoir-faire de spécialistes en management hospitalier, pour la gestion moderne au sein de certains établissements hospitaliers.
En effet, dans le cadre de la réforme dont l’élément moteur demeure encore le rapport finalisé en 2003 et essentiellement inspiré de l’avant-projet de loi sur la santé, le département de Amar Tou compte s’offrir les services d’un cabinet de consultants qui l’assistera pendant 5 mois dans la mise en oeuvre de cette gestion.
Une gestion qui doit trouver sa pleine signification dans l’assistance éclairée quand il s’agira de recruter un partenaire spécialisé en management hospitalier. Et dans cette perspective, la piste du privé ne semble pas dédaignée loin s’en faut.
Si l’on vient, bien sûr, à admettre la référence expresse au rapport de 2003 de la commission présidée par le professeur Messaoud Zitouni. Dans cette veine, la gestion des établissements hospitaliers ne doit pas déparer dans un paysage économique où l’entreprise qui montre des limites sur le registre de la performance sollicite le savoir-faire de la sous-traitance en matière de gestion pour répondre efficacement aux besoins du marché.
Sur ce registre, l’Algérie n’aura rien à inventer dès lors qu’une telle expérience est en train de donner satisfaction dans le secteur de l’hôtellerie de haut standing. On voit bien aujourd’hui des hôtels de luxe et surtout ces hôtels cogérés par des spécialistes qui maîtrisent le sujet.
Une telle perspective n’aura d’ailleurs pas échappé au Président de la République qui conseillait à Constantine à un promoteur privé d’un projet d’hôtel ambitieux de recourir à une gestion experte en lui signifiant qu’il est plus facile de monter un projet que de garder intacte sa viabilité. C’est toute la problématique du système de santé en Algérie, dont le talon d’Achille reste désespérément la gestion hospitalière.
Surtout quand on saura que plus de la moitié du budget de la santé est consacrée aux établissements hospitaliers assimilés volontiers à des tonneaux sans fond qui font pâle figure devant des cliniques privées qui les font aujourd’hui ressembler, malgré des moyens financiers limités mais avec un mode de gouvernance qui a fait ses preuves en Europe, à des géants aux pieds d’argile.
A titre d’exemple, un CHU où la prétention d’un citoyen à un acte chirurgical doit au bas mot s’inscrire au-delà d’une attente de deux mois, n’accuse finalement qu’un taux de 40% d’occupation.
Principalement à cause d’une gestion anarchique des médicaments ou encore d’une maintenance défaillante d’équipements et de matériels parfois de dernière génération, ou simplement d’une gestion des ressources humaines à l’emporte-pièce et une programmation des actes médicaux approximative et tributaire de l’humeur du moment des praticiens.
Assurément, le ministère veut s’entourer de toutes les garanties en lançant expressément un appel à manifestation d’intérêt national et surtout international aux cabinets de consultants qui ont fait leurs preuves dans les domaines juridiques, la gestion hospitalière et l’organisation sanitaire.
Et on peut supposer que le département de Amar Tou ne veut pas regarder à la dépense, même s’il s’entoure de toutes les précautions en faisant appel au prestige et la référence sur la maîtrise du sujet. Puisqu’il fait carrément dans le détail pour trier sur le volet des candidats qui doivent obligatoirement faire valoir une qualification grosse au moins des cinq dernières années de prestations demandées.
Preuve en est, le ministère ne se contentera pas d’une mise à l’épreuve antérieure que doit faire valoir le lauréat potentiel, faut-il encore que ce dernier fournisse le quitus des bénéficiaires de ses prestations avec leur montant exact et encore toutes les indications les identifiant.
Doit-on parler du parcours du combattant, quand on relève que le ministère de la Santé exige encore la qualification et l’expérience en relation avec les prestations attendues du personnel-clé de ces cabinets de consultants ?
Avec en prime, les C.V. détaillés des personnes ayant à intervenir. On réalise qu’on n’est pas loin du compte, surtout quand l’on saura que l’appel à manifestation d’intérêt national et international lancé le 16 avril dernier a carrément fait chou blanc. En effet, il a été déclaré infructueux pour la simple et unique raison qu’aucun retour d’écho n’a été enregistré.
Des indiscrétions que nous avons pu récolter du coté du ministère, la raison de l’absence de manifestation d’intérêt réside dans la toute relative ventilation de l’information.
Ce qui peut relever peut-être de l’argumentaire approximatif juste bon à justifier une exigence de trop - on ne sait trop laquelle - qui montre à l’opinion le souci de bien faire, mais qui aurait démontré, sait-on jamais, paradoxalement à ceux auxquels il a été adressé quelque légèreté qui s’accommode mal avec les exigences de la bonne gouvernance.
Une légèreté qui aura fait que l’Algérie a peut-être raté l’occasion d’un véritable amarrage à la bonne gouvernance sans grands frais. Et on pense précisément à l’EHU d’Oran qui a bénéficié de toutes les attentions des décideurs, pour constituer le projet-pilote de la réforme hospitalière. Une réforme qui devait s’articuler sur une triple mission: de soins, d’enseignement et de recherche.
La transformation de son statut juridique a fait l’objet d’un décret gouvernemental qui devait adapter sa gestion à un mode de fonctionnement et des modalités de gestion en phase avec les nouvelles règles de la gestion hospitalière occidentale qui montrent ostentatoirement le fonctionnement obsolète de nos CHU. Il faudra savoir que l’EHU d’Oran, inauguré par le Président de la République en 2004, devait bénéficier d’un accord au plus haut niveau entre la France et l’Algérie.
Un accord qui a été répercuté sur les ministères des deux pays et enfin qui devait connaître un prolongement au niveau de la wilaya d’Oran qui a concrétisé un accord avec la ville française de Montpellier qui se targue de posséder le premier CHU de France sur pratiquement tous les plans, et particulièrement celui de la qualité des prestations, de la gestion efficace et surtout performante.
Un accord qui devait porter sur une cogestion, une formation et une assistance à caractère scientifique dans sa formule d’expérience-pilote devant être élargie aux autres établissements hospitaliers.
Bien mieux, si coût il y aura, il restera à sa plus simple expression d’autant mieux que la France gagnait à donner un maximum de rayonnement à ses performances scientifiques et sa maîtrise dans ce domaine. Sans parler qu’elle avait beaucoup à gagner en retour dans d’autres secteurs de l’Algérie.
Par Mohamed Salah Boureni - Quotidien Oran
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