Algérie : Hausse spectaculaire de l’immobilier à Oran
Depuis le début de l’été, Ahmed est à la recherche d’un logement. Ce père de famille, habitant un deux-pièces dans un vieil immeuble du centre d’Oran, est attiré par les nouvelles cités résidentielles de l’est de la ville. « J’ai entamé les recherches le mois de mai dernier. Je sais que l’été est la saison où beaucoup de logements changent de mains, mais aussi c’est la période où l’immobilier flambe.
Ce n’est pas du tout facile de trouver un logement qui correspond à mes attentes en matière de prix, voisinage, sécurité, calme », avoue-t-il. Cadre dans une entreprise à Arzew, il sait que l’été est la saison des bonnes affaires dans l’immobilier, mais aussi la période où les prix du logement atteignent des sommets.
« Je cherche un trois-pièces bien situé, dans une nouvelle cité. Je veux un logement neuf. Toute la famille le réclame. Mais mon budget est limité et les prix sont trop élevés. Cela fait deux ans que j’épargne pour acheter ce logement. A l’époque, les prix des logements étaient plus au moins abordables, maintenant, c’est inaccessible pour les revenus modestes », regrette Ahmed.
Depuis plus d’une année, Oran connaît une flambée spectaculaire dans l’immobilier. Les prix des logements, des terrains, des villas ont pratiquement doublé. Par exemple, un trois-pièces dans la cité LSP Akid Lotfi se négocie entre de 2,5 millions de dinars et 4 millions de dinars. Il y a une année, dans la même cité, les prix ne dépassaient pas les 3 millions de dinars. Une augmentation de presque 50% qui s’explique surtout par les aménagements effectués depuis avec le goudronnage des boulevards, l’éclairage public, la réalisation de certains équipements nécessaires... « Il n’y a aucune logique des prix dans cette cité.
Tout dépend de l’acheteur et du vendeur. Par exemple, si ce dernier est pressé de vendre, il va céder son logement avec 20 ou 30 millions de moins que son prix. S’il vend sans aucune pression, il a le temps de bien négocier. La même chose est valable pour l’acheteur », explique un agent immobilier installé dans un local au rez-de-chaussée de l’une des nombreuses cités de Akid Lotfi.
Là, les prix des logements sont aléatoires. Deux cents mètres plus loin, au bord de la route qui mène vers Canastel, les logements sont pratiquement intouchables. Hors de prix, sauf pour une certaine clientèle. «Les prix d’un trois-pièces dépassent souvent les 4 millions de dinars. Généralement, ce sont des logements bien finis».
L’est d’Oran, où d’importants programmes de logements ont été réalisés ces dernières années, est la zone la plus prisée par les demandeurs de logements. Les terrains ne sont pas en reste. Le prix du mètre carré est en train de battre des records. A Douar Belgaïd, à une demi-heure de voiture du centre-ville d’Oran, le mètre carré de terrain a franchi le cap du million de centimes.
Les prix deviennent « fous » à mesure que l’on s’approche du centre-ville, sur la partie qui donne sur la mer. « A Canastel, c’est 20.000 dinars le mètre au minimum. Sur la frange marine qui longe Haï Khemisti, il faut compter plus de 40.000 dinars le mètre carré», affirme le gérant d’une agence immobilière.
Même la location devient de plus en plus inaccessible pour les bourses modestes. Dans les cités résidentielles, un trois-pièces se loue à partir de 15.000 dinars par mois.
Au centre-ville, les loyers sont beaucoup plus chers. D’autant que la demande sur la location est très forte actuellement, selon plusieurs agences immobilières. « En une année, les loyers ont augmenté de 5.000 dinars au minimum par mois. Un trois-pièces dans un immeuble propre et calme du centre-ville se loue aux alentours de 30.000 dinars par mois », explique la gérante d’une agence immobilière.
Au centre-ville, dans certains quartiers, les logements se négocient aux alentours du milliard. Les logements de l’ex-Loubet, du Front de mer, ceux qui sont près du Consulat d’Espagne sont classés parmi les plus chers. « Récemment, un quatre-pièces situé sur l’ex-Loubet s’est vendu à 1,2 milliard de centimes. Il a été acheté par un commerçant venu de Mohammadia », confie la gérante d’une agence immobilière.
Les « riches commerçants » qui roulent avec des sachets bourrés de dinars sont en partie responsables de la flambée des prix de l’immobilier à Oran. « Il y a beaucoup de gens qui achètent des appartements pour en faire des résidences secondaires», explique un courtier dans l’immobilier.
En fait, la volonté des autorités de réduire au maximum l’utilisation des liquidités dans l’activité économique pousse les « milliardaires » à investir dans l’immobilier. De l’argent gagné « facilement » grâce à l’économie informelle, prospère, mais dont l’avenir est sérieusement compromis par l’entrée en vigueur en septembre ou janvier de l’obligation d’utiliser le chèque dans les transactions commerciales supérieures à 50.000 dinars.
Cette clientèle spéciale et l’approche de l’entrée en vigueur de cette mesure rendent chaque jour plus importante la bulle spéculative de l’immobilier. Une bulle qui risque d’éclater à tout moment, avertissent les économistes.
Mais difficile de prévoir les conséquences sur les prix des logements. D’autant que l’augmentation des prix et les pénuries fréquentes des matériaux de construction, la révision à la hausse des salaires, la rareté des terrains aux alentours du centre-ville sont autant de facteurs en faveur d’un maintien de la hausse des prix de l’immobilier.
D’autant que les facteurs qui contribuent traditionnellement à la flambée des prix de l’immobilier sont toujours là. A commencer par le déséquilibre entre l’offre et la demande à Oran, capitale économique de l’Ouest, qui attire de nouveaux résidents des wilayas limitrophes.
Les spécialistes citent également le retour des émigrés durant la saison estivale qui investissent dans l’immobilier, considéré comme une valeur sûre. « Maintenant, beaucoup de gens cherchent à vendre ou à louer à des émigrés, explique un courtier. Les coopérants qui viennent travailler dans les groupes étrangers basés à Oran sont ciblés par les loueurs, tout comme les entreprises étrangères qui cherchent des bureaux et des résidences pour leurs cadres. Les gens cherchent à louer leurs villas et appartements au prix fort.
Ils sont séduits par les prix astronomiques pratiqués à Alger et proposent des loyers à partir de 100.000 dinars ». L’augmentation du pouvoir d’achat des travailleurs des secteurs de l’énergie, des télécoms, des banques... « Aujourd’hui, les gens considèrent que 20 millions de centimes n’est pas une somme importante.
Lorsqu’on veut vendre son logement à quatre millions de dinars, on demande souvent 20 ou 30 millions de plus. Il y a quatre ans, l’argent avait une autre valeur, plus importante », conclut la gérante d’une agence immobilière au centre-ville.
La flambée des prix de l’immobilier a multiplié le nombre de courtiers et d’agents immobiliers. Du simple agent de sécurité, en passant par le commerçant, le retraité, la femme de ménage, le courtage attire toutes les couches de la société.
Par Hamid Guemache - Quotidien Oran
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