Les bons de caisse en Algérie perdent leur «anonymat»
A quarante jours du retour du chèque dans les transactions commerciales supérieures ou égales à 50.000 dinars, les autorités intensifient la lutte contre le blanchiment d’argent et veulent réduire la masse des liquidités en circulation.
La lutte contre l’économie informelle et le blanchiment d’argent s’intensifie. Selon nos informations, le Trésor public refuse, depuis quelques mois, de convertir en espèces les bons de caisse anonymes.
La mesure qui n’a pas été annoncée officiellement domine les discussions dans les milieux d’affaires. «Des porteurs de bons de caisse anonymes se sont présentés au Trésor pour les reconvertir en espèces. Le Trésor a refusé, arguant d’une note de la Banque d’Algérie interdisant cette conversion», souligne notre source.
Le Trésor propose de verser le montant correspondant aux bons de caisses dans un compte bancaire. Mais, pour les détenteurs de bons de caisse anonymes, le compte bancaire est synonyme de transparence sur l’origine des fonds et ouvre les portes aux contrôles de la Cellule de recherche et de traitement financiers (CRTF).
Cette structure surveille les transactions bancaires importantes et peut à tout moment obtenir des informations bancaires confidentielles sur n’importe quel compte bancaire. Comme le Trésor, les banques refusent les versements d’importantes sommes d’argent en espèces, lorsque l’origine des fonds n’est pas connue. «Il y a des gens qui viennent pour ouvrir des comptes en devises ou en dinars pour y déposer beaucoup d’argent. Nous refusons systématiquement, sauf si le concerné justifie la provenance de son argent», confie un banquier.
Le renforcement des mesures contre l’utilisation massive des liquidités intervient à quarante jours de l’entrée en vigueur de l’obligation d’utiliser le chèque dans les transactions commerciales supérieures à 50.000 dinars. L’application de cette mesure est sur toutes les lèvres des chefs d’entreprises, importateurs, banquiers...
Le monde économique s’inquiète sur ses conséquences et s’interroge sur la date de son entrée en vigueur. Des rumeurs persistantes affirment qu’elle sera reportée au début de l’année prochaine. «En théorie, cette mesure entre en vigueur le 1 septembre prochain, mais des bruits courent qu’elle sera décalée de quatre mois», confie un banquier.
Il y a quelques mois, l’ancien chef du gouvernement Ahmed Ouyahia a évoqué dans une conférence le report à janvier 2007 de l’application de cette mesure. Depuis, aucune nouvelle n’est venue pour confirmer ce report. «Pour l’instant, nous n’avons rien reçu encore. A partir de septembre, on n’acceptera plus que des chèques pour les factures supérieures ou égales à 50.000 dinars. Les choses sont claires», affirme le directeur commercial d’une importante entreprise publique de production.
Selon plusieurs économistes, l’obligation d’utiliser les chèques dans les transactions commerciales supérieures à 50.000 dinars portera le coup fatal à l’économie informelle, actuellement prospère, avec près de la moitié de l’activité économique réelle.
Obliger les commerçants et les entreprises à une large utilisation du chèque donnera à l’Etat, à travers les banques, un moyen très efficace pour les contrôler. «Avec le chèque, la triche sur le chiffre d’affaires devient extrêmement difficile, parce qu’il sera facile aux autorités d’accéder aux chiffres exacts des entreprises», estime un banquier.
Derrière le retour du chèque dans les transactions commerciales se dessine la fin de l’économie informelle et l’utilisation des liquidités dans les transactions commerciales. La mise en place de télé-compensation des chèques contribue également à cet «effort de guerre» contre l’économie parallèle.
Par Hamid Guemache - Quotidien Oran
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