Algérie : La Tunisie, les vacances, le retour et le bakchich
Il est vrai que les Algériens, particulièrement ceux de l’est du pays, trouvent tout leur soûl dans les villes balnéaires tunisiennes comme Tabarka, Sousse, Hammamet ou Nabeul, dont l’attrait reste indéniable sur le chapitre de la qualité pour des vacances en bord de mer pour ainsi dire «économiques».
Mais de l’aveu de beaucoup d’Algériens, pour parvenir à cet éden, c’est véritablement le chemin de croix. Une fois franchi le poste frontière algérien de Oum Tboul, distant d’une vingtaine de kilomètres de la ville d’El-Kala, c’est le calvaire. Melloula, le petit poste frontière tunisien qui relève de la daïra de Tabarka, qui peut à peine traiter un millier de passagers par jour, prend ces jours-ci les allures d’une boîte de sardines au plus fort d’une période de pointe où le nombre de passagers est démesurément multiplié.
«Les policiers et les douaniers tunisiens sont tout ce qu’on veut, courtois, polis, mais à la limite de l’indifférence, même si tu es accompagné d’enfants en bas âge qui souffrent le martyre sous une chaleur accablante pendant des heures et des heures», nous diront des touristes algériens.
«Nous étions à peine une centaine au poste frontière de Melloula à attendre sous un soleil de plomb que l’un des deux agents de la police des frontières tunisienne, qui occupent l’unique guichet, daigne interpeller un heureux élu», nous confie ironiquement un citoyen algérien.
Celui-ci, pince-sans-rire, précisera que si le séjour en Tunisie reste quand même dans les cordes d’une bourse moyenne, celle-ci risque de fondre comme neige au soleil si des fois on veut faire l’économie du parcours de combattant que vous imposent des policiers ou des douaniers véreux à un poste frontière tunisien.
«C’est simple, à Melloula, c’est une «désorganisation organisée» pour obliger les plus pressés des Algériens ou encore les moins résistants aux dures conditions de passage, à mettre la main à la poche», nous explique un autre. Ce dernier devait souligner que bien malin celui qui peut se targuer pouvoir prendre sur le fait un pafiste ou un douanier tunisien pour se plaindre à son chef hiérarchique.
Car c’est de notoriété, du moins pour les habitués des voyages dans ce pays voisin, qu’au poste frontière, les agents tunisiens ne demandent jamais un sou mais ils ne le refusent pas quand on se prête de bonne grâce au petit jeu qui amène un plus malin que les autres à glisser quelques dinars tunisiens subrepticement dans la main du pafiste ou du douanier.
«Autant le nombre de dinars glissés par exemple dans le passeport est important, autant le traitement de faveur est royal», jure ses grands dieux ce Constantinois, qui affirme avoir attendu plusieurs heures, pour comprendre enfin qu’il fallait payer la dîme pour voir les policiers se secouer aux formalités.
«Ce n’est pas toujours évident», nous explique un avocat algérien qui n’avait finalement été retenu qu’une heure de temps. Notre interlocuteur souligne en effet que la profession du passager reste le plus souvent déterminante.
Un avocat, un juge algérien, un haut fonctionnaire d’une wilaya, en somme une personne capable de donner des prolongements à une proposition «indécente» tout au plus, est exposé à quelques petites tracasseries vite expédiées quand sa profession est mentionnée dans le passeport.
«C’est à la tête du client, de son état psychologique du moment et de sa démonstration sans ambages de sa détermination à jouer le jeu de certains agents véreux». Quand on sait que les postes frontières de Oum Tboul et Melloula traitent en cette période plus de 6.000 passagers par jour, l’on peut comprendre l’aubaine de trois ou quatre agents censés traiter les formalités d’un millier à peine.
Du côté du poste frontière algérien, rares sont ceux qui se plaignent. Et pour cause, quand derrière le comptoir de la PAF algérienne se trouve une équipe de huit agents relayée chaque quatre heures par une autre, il est difficile de faire la fine bouche. Et encore ceux qui rentrent en Algérie ne remplissent pas les formalités au même guichet que ceux qui sortent, nous dit-on.
Le Quotidien d’Oran a pris attache, hier, avec Abderrazak Mathlouti, le vice-consul général de Tunisie à Annaba, pour avoir son point de vue sur cette situation dont se plaignent les touristes algériens. Notre interlocuteur commencera par souligner que le passage de Melloula connaît une pression extraordinaire malgré l’existence de cinq autres postes frontières comme Sakiet Sidi Youcef, Bouchebka el Meridj qui accueillent moins de monde.
Et celui de Bebbouche, dépendant de la daïra de Aïn Draham, qui fait face au poste algérien d’El-Ayoun, est plus vaste que Melloula mais reçoit nettement moins de monde.
Les autorités tunisiennes avaient pris conscience de l’exiguïté des lieux du poste frontière qui donne sur Tabarka, nous dira le vice-consul. Ces derniers jours, dira-t-il, le poste de Melloula a reçu un nombre record de 8.000 passagers en 24 heures. Pour préciser ensuite qu’un nouveau poste frontière a été réalisé juste à côté de celui de Oum Tboul.
M. Mathlouti souligne à cet effet que ce nouveau centre, avec de vastes parkings, qui va être inauguré prochainement, peut traiter jusqu’à 5.000 passagers par jour et permettra aux touristes d’accomplir les formalités aux deux postes algériens et tunisiens sans avoir à déplacer le véhicule. Il faudra savoir qu’actuellement, le passager, une fois sorti du poste frontière algérien, doit parcourir près de dix kilomètres pour parvenir au poste tunisien.
Interrogé sur la pratique de pafistes et de douaniers tunisiens qui s’adonnent au bakchich, le vice-consul dira que si cette pratique existe, elle n’existe pas seulement en Tunisie, mais elle reste un phénomène qui relève de l’acte isolé qu’on trouve dans tous les pays du monde.
Ce qui ne veut pas dire, objectera-t-il, qu’il faut laisser faire. Et à ce propos, il souligne que les chefs de poste de la police et de la douane sont expressément instruits pour prendre des mesures exemplaires contre tout agent véreux. Pour conclure, M. Mathlouti dira que cette affaire reste en tout état de cause une affaire de conscience du citoyen.
Par M. Salah Boureni et A. Ouelâa - Quotidien Oran
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